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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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ajouta :
    — Elle est… Elle a pas servi.
    — Et alors ?
    Toujours ce regard invisible, abaissé sur le seau autour duquel tournait une nouvelle mouche.
    Clotilde… Son front, son regard, son sourire, ses seins, sa croupe proclamaient qu’elle était bonne à prendre. Un corps fiévreux, net encore. Chaud. Brûlant peut-être.
    — S’ils entrent, ils la violeront.
    Elle aurait de la compagnie ! Toutes les femelles, même les fillettes, subiraient ce sort-là. Et les jouvenceaux, sans doute.
    — Je… J’ai pensé…
    Pâquerette sourit et se fit plus humble encore :
    — … que plutôt qu’elle subisse… le premier… Vous comprenez ?… Un homme comme ce géant… Je l’ai vu une fois… Il doit être… si gros…
    Elle avait une imagination terrifiante. Mais peut-être eût-elle aimé, elle, connaître les épaisseurs intimes de Tranchelion. Elle répéta :
    — Vous comprenez ?
    Non, il ne comprenait pas. Du moins incomplètement.
    — J’ai pensé qu’il fallait qu’elle soit faite femme dans… de bonnes conditions.
    Il sourcilla. Cette Pâquerette pensait trop à la défaite. Dangereuse ; Mathilde avait raison. Dangereuse, surtout, pour sa fille.
    — J’ai pensé que vous pourriez, vous…
    Ogier évita un regard suppliant :
    — … coucher avec Clotilde, pas vrai ?
    Avec Margot et Aliénor, il n’avait eu aucun scrupule. Mais là…
    — Nous sommes encore quelque cent quarante hommes, dame Pâquerette. Il y a parmi nous une vingtaine de jeunes gars qui ne demanderaient pas mieux que d’accomplir ce… bienfait.
    — Pourquoi pas vous ? Elle vous plaît pas ?
    Ce langage devait être celui des maquerelles. Pâquerette lui répugna, tandis qu’elle joignait les mains comme elle l’eût fait devant un saint de pierre.
    — Ça ne vous coûterait pas, pourtant. Elle est belle… Ce n’est pas votre avis ?… Elle dit qu’avec vous elle aimerait…
    — Non !
    Ogier se baissa, ramassa le seau.
    « Bon sang ! si j’avais une femelle à forniquer, ce serait plutôt toi, la femme ! »
    C’était bien le moment de lui donner des agaçins avec une histoire pareille ! L’œillade gourmande que Clotilde lui avait lancée lorsqu’il l’avait délivrée de Jean !… Vierge ?… Peut-être… Il n’y avait qu’un moyen de le vérifier, mais il l’abandonnait aux autres.
    — Allons, dit-il en offrant l’anse du récipient à Pâquerette, portez ce lait à Mathilde et ne vous rongez plus les sangs.
    Quittant la commère ahurie, il siffla Saladin et regagna sa chambre.

VII
    — Une nuit de plus, et rien que le silence et le chant du coq.
    — Oui, mon gars. Ils ont cessé leurs apprêts dès la tombée du jour… Ils n’agissent jamais selon nos prévisions… Mais les voilà… Ils reviennent.
    Dans le brouillard de l’aube, des formes s’approchaient de la contrescarpe. Ogier, Guillaume et les guetteurs entendirent les heurts des troncs, bûches et fagots précipités au sol, puis des martèlements.
    — Ils n’ont pas renoncé à combler le fossé, ni à extraire de la roche. Et ils élèvent leur saloperie : voyez ces quatre mâts, mon oncle. Si ça se trouve, l’assise en est préparée et les roues en place.
    — Non, dit Guillaume. Nous avons tous bon œil et bonne ouïe. Il ne s’est rien passé depuis la veille au soir. Attendons le lever du jour.
    Ils attendirent, et le ciel gris foncé devint lentement bleu. Le soleil éclaira, au-dessus du rempart de mantelets et de branchages, les quatre piliers du beffroi, inclinés légèrement les uns vers les autres, ébauche de la pyramide quadrangulaire grâce à laquelle Knolles espérait conquérir Rechignac. Derrière, assez loin, les bœufs et les vaches meuglaient.
    — Pour qu’ils les aient montés, dit Guillaume, c’est tout de même afin de s’en servir.
    Jean apparut :
    — Messire Argouges… Pedro del Valle vous réclame.
    Guillaume sourit :
    — Ton armure est achevée… Eh oui, ne prends pas cet air incrédule… Je leur avais demandé d’œuvrer en grand-hâte afin que tu l’aies pour tes dix-huit ans… Car tu as dix-huit ans ce matin, pas vrai ?
    — Oui, mon oncle… Je suis fort ébaubi qu’en ces jours affreux, vous en ayez conservé souvenance.
    — Je n’oublie rien, affirma le baron d’un ton singulièrement aigre. Même si je feins l’indifférence, tout demeure en ma tête aussi net et entier qu’en un coffret de fer.
    — Il me semble qu’ils sont

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