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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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allés vélocement !
    — Ne fais pas l’ahuri : tu t’es prêté à quatre ou cinq essayages.
    — C’est vrai : la cuirasse, un bras, une jambe, l’encolure… Je vous l’avoue : j’ai craint parfois qu’ils ne manquent de fer et souhaité que ce siège s’allonge afin qu’ils ne soient pas tentés de nous quitter.
    Guillaume sourit avec une bienveillance qui n’avait rien d’affecté : les anniversaires, pour lui sans doute, devaient autoriser les licences, les audaces et les mots francs.
    — Ils avaient dans leur chariot quelques pièces précieuses – cubitières, genouillères – et des brassières de mailles capables de te convenir.
    — Tout de même, ils sont allés vivement en besogne !
    — Ils connaissent le métier du fer aussi parfaitement que nous connaissons le métier des armes. Outre que Thierry, parfois, les a aidés – sans que tu t’en aperçoives, car c’était la nuit –, ils n’ont toujours pris que des sommeils de moines… Mais va !… Je sais qu’elle te plaira : je l’ai vue alors que tu dormais.
    Quittant la muraille, Ogier allongea le pas jusqu’à la forge. La porte en était close et l’intérieur silencieux. Martinez et Blasco se lavaient les mains à l’abreuvoir.
    — Entrez, dit Martinez.
    Le garçon pressa le poucier du loquet ; le vantail s’ouvrit et il la vit. Assemblée sur un mannequin, elle luisait dans l’ombre comme une étoile immense, avec des brillances plus accusées sur le plastron et une épaulière, et bien qu’elle fut inhabitée, elle s’imposait avec une merveilleuse assurance. Il sut enfin quel serait son aspect quand il s’en revêtirait.
    — Comme elle est belle !
    — Elle est vôtre, dit Pedro del Valle, que le vêtement de guerre avait éclipsé. Nous en avons fourbi les derniers fers cette nuit. Essayez-la.
    — J’aimerais tout d’abord en acquitter le prix.
    — Le prix ? Mais, Ogier, vous avez dix-huit ans et votre oncle vous l’offre.
    Le damoiseau embrassa vigoureusement l’armurier.
    — Quel homme ! s’exclama-t-il enfin. Et vous aussi !
    Prestement, il déceignit son épée qu’il posa sur l’enclume. Martinez et Blasco entrèrent. Ils enlevèrent les plates de fer assemblées sur le mannequin.
    — Quittez ces lourdes mailles, messire, dit Pedro del Valle. Nous en avons de plus fines, aussi solides… Vous êtes bien chanceux car celles qui vont vous revêtir en partie sont les seules dont nous nous désistons en votre faveur… Conservez vos vêtements de dessous et laissez-nous faire.
    Ogier vit ses tibias se couvrir de trumelières, ses genoux de genouillères et ses cuisses de cuissots en forme de tuile dont les garnitures supérieures étaient percées en cinq endroits. Pedro del Valle maintint ces derniers en place au moyen d’une ceinture bouclée au-dessus des hanches et que soutenaient des bretelles afin que l’ensemble ne descendît pas. Martinez passa dans les œillets des cuissots des aiguillettes de cuir qu’il attacha à la ceinture. Il assujettit l’ensemble – trumelières, genouillères, cuissots – à l’aide d’étroites sangles bouclées sur l’envers des jambes.
    Blême, tremblant, Ogier n’osait accomplir un mouvement. Impression délicieuse, engourdissante : il sentait s’ériger autour de lui un épiderme de métal aussi souple que sa peau. Il devenait rempart… Un vêtement pareil !… À lui !… Ainsi, l’événement avait été possible. Grâce à Guillaume, le jour même de ses dix-huit ans.
    — Si mon père me voyait… dit-il.
    Puis, aux trois armuriers pour une fois côte à côte :
    — Je n’oublierai jamais la joie que vous me faites.
    Il avait parfois imaginé cette scène. La rêverie paraissait bien pâle auprès de la réalité. Le vrai bonheur consistait-il en cette satisfaction puissante et fière de se savoir vraiment devenu un guerrier ? Son cœur tumultueux tapait contre ses côtes tandis que le rite continuait, lent et minutieux.
    Après qu’il eut enfilé un haubergeon de mailles légères, les Tolédans lui passèrent les canons d’arrière-bras auxquels étaient rivées les épaulières, puis les cubitières et les canons d’avant-bras. Et comme il regardait ses pieds sans protection, Pedro del Valle le rassura :
    — Vous serez chaucié d ’escarpins renforcés de bossettes. Nous étudions le moyen de façonner des chaussures de fer et de les articuler par des lames à recouvrement… Nous ne sommes pas les

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