Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
seuls à essayer constamment d’améliorer nos ouvrages. Bientôt, les prud’hommes seront tout entiers couverts de fer rigide, soigneusement articulé. Ce sera la fin des mailles.
    Les Espagnols bouclèrent les courroies du plastron, de la dossière et de la braconnière [65] . Pedro del Valle recula d’un pas :
    — Fort bien… Ce siège n’aura pas été inutile pour vous, messire. Pour nous également car des idées nous sont venues. En particulier celle de prolonger cette braconnière par une garniture supplémentaire, sur le devant. Imaginez deux plates dont la forme reste à définir et qui, mobiles évidemment, défendront entièrement les cuisses. Nous les appellerons des escarcelas puisque situées là où nous portons notre argent… Allons : mettez les escarpins que Blasco nous apporte.
    Ogier tendit ses pieds l’un après l’autre à del Valle agenouillé. Les fermoirs de ces bottillons de chevreau souples et pointus étaient rivés sur le côté. Le Tolédan chercha le bon œillet pour introduire l’ardillon et, quand il se fut relevé :
    — Le camail de mailles et le bassinet, maintenant.
    — Ah ! fit Ogier, sa forme fait plus que m’enchanter !
    Il lui fut présenté le mézail ouvert. Il s’en coiffa. Ses yeux scintillèrent dans l’ombre de la visière.
    — Bien sûr, amigo, il vous faudra une cale épaisse [66] sous votre camail. Marchez un peu, je vous prie.
    Le damoiseau hésita comme s’il craignait de rompre le channe. Pedro del Valle s’empressa de clore la défense de tête.
    — Avancez. J’ai besoin de savoir si tout est convenable.
    L’impression première d’Ogier fut que son poids, son volume avaient doublé, et que ses muscles, ses articulations, ses pieds même, subissaient une sorte d’ankylose. En outre, il voyait mal entre ses paupières de fer et respirait difficilement. Lorsqu’il fut parvenu sur le seuil de la forge, cette sensation d’aveuglement, d’étouffement et de pesanteur s’allégea.
    — Bien sûr, il faut vous accoutumer… Levez les bras… Remuez vos épaules… Vos coudes se plient-ils aisément ?
    — Oui… Je me sens un peu gouin [67] . Cela me passera.
    La voix du damoiseau, dans le fer englobant sa tête, lui paraissait changée. C’était une voix d’adulte, mieux : une voix de preux. Il porta ses mains à ses tempes, puis ses doigts entourèrent la ventaille conirostre du bassinet.
    — Nous avons vu que vous avez des gantelets de mailles pareils aux nôtres et c’est pourquoi nous conservons ceux qui sont dans notre chariot… La tête vous pèse un peu, sans doute… Comme nous ne disposions pas du temps nécessaire à la confection d’une telle pièce, nous avons pris ce bassinet dans nos réserves. C’est le même qui coiffait votre cousine. Vous avez pu juger de sa solidité.
    — Oui… Même si c’est une outrance, je me merveille que Tancrède ait porté pareil vêtement. Fer dur et mailles souples, cela pèse !
    Blasco s’était éloigné. Il revint tenant une épée protégée par un fourreau de cuir vermeil, renforcé de frettes d’acier, tout comme la ceinture assortie. Pedro del Valle la saisit :
    — C’est celle que vous avez maniée le jour de notre arrivée. Vous m’avez dit qu’au cas où vous la posséderiez, vous la baptiseriez Confiance. Eh bien, voilà : je vous l’offre pour vos dix-huit ans.
    — Ah ! mon ami, dit Ogier au comble de l’émotion en relevant le mézail du bassinet dont l’ombre obscurcit sa vue.
    Il étreignit l’armurier en fermant un instant les paupières, tant elles le picotaient.
    — Mille grâces, Pedro !… Que Dieu vous permette de sortir sain et sauf de ces murailles afin de regagner Tolède. Qu’il exauce vos souhaits… et favorise vos amours.
    Il ceignit l’arme avec l’aide de Martinez, la tira de sa gaine et la leva au-dessus d’eux.
    — Grâce à vous et à elle, je serai toujours le plus fort.
    Il fit quelques pas dans la cour.
    « Cette marche tant de fois accomplie en songe… »
    Tout était vrai ! Il logeait en son armure et ce grand plaisir viril le secouait à tel point qu’il en titubait. Allons, ce n’était pas offenser la Providence que de se croire chevalier : il en avait l’apparence.
    — Tu es merveilleux, cousin !
    Allant sans doute à la chapelle en compagnie de son aînée, Tancrède venait de s’immobiliser devant lui.
    — Beau et solide comme saint Michel, renchérit Claresme.
    Il ne sut si ses cousines se

Weitere Kostenlose Bücher