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Le Gué du diable

Le Gué du diable

Titel: Le Gué du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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ceci : Wadalde, au cours du repas de bienvenue offert par le seigneur Isembard en l’honneur de l’abbé Erwin, missus dominicus de l’empereur Charles, a prononcé des paroles qui peuvent ne pas être sans rapport avec son assassinat.
    — Et ces paroles, quelles étaient-elles ?
    — Comme elles ont été prononcées en présence de l’abbé Erwin, à lui seul appartient le droit d’en dévoiler la teneur s’il le juge nécessaire.
    Le comte Ermenold prit un air offusqué.
    — Est-ce tout ?
    — Oui, seigneur. Si tu n’as rien d’autre à me demander, je vais me retirer.
    — Fais !
    Quand le messager eut quitté la pièce, le comte d’Auxerre s’exclama, d’un air satisfait :
    — Je suis donc sur la bonne voie.
    Puis il se tourna vers le bourreau et il lui cria :
    — Qu’attends-tu, imbécile, pour reprendre l’interrogatoire ?
    A cet instant, une voix s’éleva dans le fond de la salle.
    — Il n’en est pas question ! avait lancé Doremus en s’approchant du comte d’Auxerre.
    — De quel droit ? demanda Ermenold sur un ton rageur.
    — Un tête-à-tête vaudra mieux pour toi comme pour moi, répliqua sagement l’assistant des missi.
    Un long silence s’ensuivit. Le comte, après avoir hésité, finit par accepter un aparté qui se déroula dans une pièce adjacente. Doremus, sans mot dire, sortit d’un étui un parchemin qu’il tendit à Ermenold. Il était rédigé au nom de l’empereur Charles et portait les sceaux de l’abbé Erwin ainsi que ceux du comte Childebrand, missi dominici. Cet ordre de mission donnait pouvoir à Doremus, représentant les missi, pour intervenir dans le cours de l’enquête « s’il le jugeait nécessaire et urgent ».
    — Alors, qu’y a-t-il de si nécessaire et urgent ? jeta le comte qui bouillait intérieurement.
    — Je pourrais te répondre, articula Doremus, que j’en suis seul juge, sous le contrôle de mes maîtres évidemment. Mais voici : d’abord, il ne servirait à rien de continuer à faire fouetter cet esclave frison. Tu n’en tireras rien de plus et il mourra.
    — Peuh, un esclave… et frison…
    — Secundo : un esclave oui, frison, aussi, mais avant tout un témoin.
    — Un esclave ne peut être témoin !
    — Pardon ! objecta l’ancien rebelle. Son témoignage ne peut être retenu, mais il peut être entendu. Tu veux lui faire avouer ce qu’il n’a peut-être pas commis, mais il a sans doute à nous indiquer d’autre part des faits intéressants. Je ne veux pas priver la suite de l’enquête de ce témoignage-là, ni de celui des autres Frisons. Donc, plus de fouet pour personne sans autorisation des missi, plus de question sous quelque forme que ce soit ! Le médecin de notre mission passera sans tarder pour s’occuper des plaies de ce supplicié. Il doit vivre !
    Le comte paraissait abasourdi. Il ne put que dire :
    — L’empereur, sois-en sûr, sera informé de tout cela.
    — De toute façon, mes maîtres lui feront rapport avant longtemps. Mais n’en attends pas trop, car tu as mené ton enquête jusqu’à présent d’une manière…
    — M’accuserais-tu…
    — De rien ! Cependant, ce que j’ai constaté comme toi, entendu comme toi, ne me conduirait certainement pas à faire achever à coups de fouet même un esclave. Cela dit, j’ai souhaité ce tête-à-tête pour que tu puisses donner des ordres comme venant de toi.
    Doremus reprit son parchemin, le remit posément dans son étui et s’inclina.
    — Je te salue respectueusement, comte d’Auxerre, dit-il d’un ton froid. Je dois faire immédiatement compte rendu du déroulement de ces investigations aux missionnaires du souverain… comme tu le souhaites sans doute.
     
    Quand l’assistant des missi arriva à sa résidence, l’un des gardes de l’entrée était en discussion avec un cavalier qui, descendu de sa monture, tenait son cheval par la bride.
    — Non, criait le soldat, qui que tu sois, sans ordre, tu n’entreras pas !
    Doremus s’approcha. « Curieux cavalier », pensa-t-il.
    — Mais, Dieu, murmura-t-il, c’est une femme !
    Elle portait bottillons, culotte serrée sur les jambes par des bandelettes croisées, tunique et ceinturon, un glaive court dans sa gaine et une sorte de bonnet. Mais les formes de son corps ne laissaient subsister aucun doute. En s’approchant, Doremus découvrit une jeune fille aux yeux émeraude, d’une surprenante beauté, et qui ne manquait pas de

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