Les révoltés de Dieu
Avant-propos
Depuis l’aube des temps, l’être humain s’est trouvé
confronté à un univers qu’il ne comprenait pas et qui se révélait le plus
souvent hostile. Devant le froid ou la chaleur, devant la tempête et la foudre,
devant la sécheresse extrême ou les inondations, devant les tremblements de
terre et les éruptions volcaniques, devant la souffrance, le manque de
nourriture, la maladie et la mort, l’être humain, prenant conscience de son existence , c’est-à-dire de sa présence « hors
de » quelque chose qui le dépassait, a tenté de comprendre comment et
pourquoi il se trouvait dans cette étrange situation.
Bien entendu, livré à lui-même, réduit à la simple observation
des faits et sans aucune possibilité de synthèse rationnelle, cet être humain
balbutiant n’a pu que se retrancher derrière une évidence : l’univers – y
compris lui-même – n’existait et ne fonctionnait que par la volonté d’une
puissance supérieure, invisible certes, mais toujours présente. Ainsi se sont
éveillées les diverses religions, qu’elles soient de type monothéiste ou polythéiste.
Cela ne veut pas dire que le concept d’un Dieu omnipotent – ou
de plusieurs entités divines – soit le résultat d’un rêve, une simple
spéculation de l’esprit en quête de certitude, un simple produit d’un
imaginaire collectif. C’est bien autre chose : c’est la constatation de la
faiblesse de la nature humaine par rapport à des forces incontrôlables. Et, comme
l’affirmait si justement Blaise Pascal au XVII e siècle,
ce qui distingue l’Homme des autres existants ,
c’est qu’il a parfaitement conscience de pouvoir être écrasé par l’univers, donc
par les puissances occultes qui président à cet univers.
Ces puissances occultes sont évidemment immatérielles. Mais
l’ existant humain, limité dans ses perceptions
sensorielles et incapable d’appréhender l’ abstrait qui est un absolu incommunicable, est obligé d’avoir recours à des images concrètes lorsqu’il s’agit d’évoquer cet
incommunicable. D’où les descriptions et les représentations innombrables, anthropomorphiques,
zoomorphiques ou même géométriques de la ou des divinités supposées régir le
cosmos. Dieu, sous quelque nom qu’on l’invoque, est alors un personnage
humanisé dont les pouvoirs sont illimités, mais à qui l’on prête fatalement les
caractéristiques de la psychologie humaine. C’est le Créateur, le Démiurge, le
Grand Architecte de l’univers ou, mieux, l’Horloger du Cosmos, garant du bon
fonctionnement de ce mécanisme mis en place à l’aube des temps et dont les
existants humains ne sont que les rouages. Mais si ces rouages sont grippés, pour
une raison ou pour une autre, tout le système est perturbé. C’est là qu’apparaît
la notion de révolte contre Dieu, c’est-à-dire contre un ordre divin – ou
cosmique – établi une fois pour toutes.
En effet, l’histoire de l’humanité, si loin qu’on puisse
remonter, fait état de dysfonctionnements, tant d’un point de vue du destin
personnel d’un individu, que de celui des grands bouleversements qui ont secoué
la planète Terre et l’ensemble de l’univers tel qu’il apparaît à notre
connaissance si limitée. Ces bouleversements, tant climatiques que telluriques
ou sidéraux, n’ont jamais été bien compris, même si, au résultat de multiples
observations, on a tenté d’y trouver une explication rationnelle fondée sur le
rapport entre la cause et l’effet. Or, si l’on mesure l’effet, c’est-à-dire le
phénomène sensible, la cause demeure toujours plus ou moins mystérieuse. D’où
une tendance à considérer la cause comme étant de l’ordre de l’invisible, donc
du divin. Une catastrophe naturelle devient donc une manifestation de l’invisible.
L’ existant humain se sent coupable de quelque
chose, soit qu’il ait manqué à ses devoirs contre le Dieu inconnu, provoquant
ainsi sa colère, soit qu’il se soit délibérément révolté contre lui, déclenchant
ainsi un châtiment exemplaire. Ainsi la misère, la souffrance et la mort sont
la conséquence de la faute commise par Adam et Ève, et le Déluge la punition d’un
genre humain qui s’est cru tout-puissant. Il ne fait pas bon se révolter contre
Dieu car, comme le dit bien le proverbe, « quand on sème le vent, on
récolte la tempête ».
Pourtant tout n’est pas si simple. La mémoire de
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