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Le Gué du diable

Le Gué du diable

Titel: Le Gué du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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s’en prendre à Albéric pour une machination tramée par leur fille ! Ils nous trouveraient sur leur chemin !
    — C’est ce que nous verrons, dit froidement Erwin.
    Comme Gerberge s’apprêtait à se retirer, l’abbé saxon lui ordonna de demeurer.
    — Je compte sur toi, lui dit-il, car il nous reste à découvrir les raisons de leur fuite. En effet, si ton fils et Clotilde avaient comme intention de placer leurs familles devant le fait accompli, comme l’a suggéré ton beau-père, ils pouvaient aisément accomplir ce fait sans partir au diable en catastrophe. Donc…
    La mère d’Albéric eut un pâle sourire.
    — Lui, elle, accomplir ce fait de cette façon-là ? Oh ! certes, tout est possible, mais je ne le crois pas. Je connais bien mon fils. Je la connais aussi. Elle est venue me voir de son propre mouvement, puis, par la suite, à ma demande.
    — On la dit très belle.
    — Assurément ! Gracieuse et solide en même temps, une chevelure noire, magnifique, des yeux étranges, un regard franc. Oui, elle est belle, avec un corps qui laisse présager de faciles et nombreuses maternités. Elle me donnerait de beaux enfants… Et puis ce n’est pas une mijaurée tout en grimaces, ni une poule mouillée. Elle monte, elle manie le glaive comme un homme. C’est une vraie Franque, de la bonne race ! Je l’avoue, elle m’a séduite. Elle m’aime aussi, je crois… Oui, je l’accueillerais volontiers, moi, parmi les Nibelung.
    Elle lança à Erwin un regard de connivence.
    — En outre, seule enfant, avec Badfred, d’Isembard et de Helma, serait-elle un si mauvais parti ? Ah, mon père, réunir par leur mariage deux familles ennemies, et faire cesser tant de haine, quel rêve !
    Son visage s’assombrit.
    — Mais voilà un souhait qui n’est guère partagé. Par Helma, sa grand-mère, peut-être. Clotilde le prétend. Mais les autres…
    — Et ici même, chez les tiens ?
    — Tu as entendu Frébald… Quant à mon époux, si cela ne tenait qu’à lui… Mais il doit obéissance à notre seigneur, son père. Alors…
    — Adelinde ?
    — Je la crois favorable, en secret, à cette union. Mais, pour l’heure, la fugue d’Albéric et de Clotilde a surtout ravivé ses inquiétudes. Elle ne me l’a pas caché lors de l’entretien que nous avons eu tout à l’heure.
    — Quelles inquiétudes ?
    — Ce qui s’est passé en ce pays depuis une semaine nous a alarmées, l’une comme l’autre. Je sais qu’elle a décidé de prendre la situation en main. Après tout, la vraie Nibelung, c’est elle.
    — En effet.
    — Elle a donc rencontré Helma discrètement. Celle-ci aurait évoqué ouvertement de graves menaces : Helma redouterait les dispositions belliqueuses de son fils Isembard, du frère de celui-ci, Robert, et aussi de son petit-fils Badfred, encore plus véhément que les autres, sans parler de leurs hommes d’armes qui ne rêvent que plaies et bosses. Inutile de préciser que les événements de cette journée n’ont pas dû calmer leur rage.
    — Je ne le crois pas.
    — Adelinde s’était employée à désarmer les haines. Elle a essayé de mettre sur pied une rencontre avec Isembard. Si j’ai bien compris, ce projet s’est heurté à un problème de préséance : qui de l’aïeule des Nibelung d’Auxerre ou du seigneur des Gérold devait aller au-devant de l’autre ? Que ce fût à cause de cela ou pour toute autre raison, la tentative a échoué. Seul, Robert a accepté de venir jusqu’ici. Il a eu plusieurs entrevues avec Adelinde. Trois, semble-t-il. Selon des servantes, elles ont été orageuses. Robert se serait emporté. Adelinde me l’a confirmé à mi-mot.
    — Sais-tu pourquoi ces rencontres ont été tumultueuses ?
    — Oh ! souligna Gerberge, les motifs de dispute ne manquent pas, des plus anciens aux plus récents… Mais ils n’expliquent pas pourquoi, brusquement, sans en prévenir personne, Albéric et Clotilde ont décidé de fuir. Certes, j’avais observé que, depuis quelque temps, mon fils, d’habitude si calme, enjoué même, était inquiet, je dirai plus : tourmenté. Quelque chose a dû intervenir, quelque chose de grave, signifiant un danger pressant…
    — N’en as-tu aucune idée ?
    La femme de Théobald, après un instant de réflexion, répondit :
    — Pas vraiment. Mais un incident, tout récent, m’a frappée. La nuit dernière, tandis que le souci me tenait éveillée, les chiens se sont mis à donner de

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