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Le Gué du diable

Le Gué du diable

Titel: Le Gué du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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soupira.
    — En vérité, Dodon, dit-il, je n’arrive pas à les imaginer seuls sous la voûte céleste, se restaurant à la brune, puis s’étendant sur la mousse, l’un à côté de l’autre, elle, confiante, lui, protecteur, les yeux et les oreilles aux aguets… et alors, Dieu bon !… Oui, Seigneur, leur caprice est-il Ta volonté ?
    Un léger sourire illumina le visage austère du Saxon.
    — Pourquoi, après tout, leur union ne serait-elle pas une bénédiction du Ciel ? murmura-t-il. Qu’en penses-tu ?
    Le diacre regarda avec étonnement le missus comme s’il découvrait une étrange mansuétude sous la carapace de la rigueur et il balbutia une approbation. Mais, déjà, le Saxon était revenu aux stricts devoirs du moment. A mi-voix, pour lui-même, il mit en ordre les informations qu’il possédait quant aux positions et mouvements de ceux qui s’étaient lancés à la poursuite des deux jeunes gens.
    — Et nous ? s’écria-t-il. En retard, terriblement en retard !… Et cette Adelinde qui n’arrive toujours pas !… Grands dieux !… L’enjeu, Dodon : la vie de ces enfants ! Le risque ? Devrai-je le répéter cent fois : que cette poursuite ne dégénère…
    Il frappa le sol du talon et, comme si ce geste d’énervement, qui lui avait échappé, avait possédé une vertu magique, un garde entra à ce moment dans la salle pour lui annoncer l’arrivée du frère Antoine et d’Adelinde qui ne tardèrent pas à se présenter.
    Erwin jeta à l’aïeule des Nibelung d’Auxerre un regard courroucé.
    — Apprends donc, lui lança-t-il, où nous ont menés tes faux-fuyants, ton silence obstiné, tes mensonges même : voici, pourchassés, en danger de mort, ceux que tu prétends sauvegarder ! Voici le ou les assassins de l’ombre, que tu n’as pas su ou pas voulu dénoncer, sur le point peut-être de commettre de nouveaux forfaits ! Voici, lancés dans une chasse insensée, Nibelung et Gérold. Détestations anciennes et malentendus récents chevauchent en croupe. Ne vois-tu donc pas à quel face-à-face affreux le soupçon peut aujourd’hui conduire les familles ennemies ? Veux-tu que la haine l’emporte définitivement, ou qu’enfin deux enfants ouvrent la porte de la réconciliation ? Pour cela, il faut d’abord les sauver et éviter le pire… Je t’en conjure, parle !
    Adelinde s’avança vers Erwin.
    — Gerberge est venue me voir, à la nuit, dit-elle d’une voix émue. Elle m’a rapporté votre entretien, transmis ton ordre. Me voici donc, en toute obéissance.
    — Seulement par obéissance, noble Adelinde ?
    — Non, mon père ! J’ai toute confiance en toi. Je vais parler, te dire ce qu’il faut que tu saches. Fasse le Ciel qu’il soit encore temps !
    Erwin désigna une porte qui donnait sur une pièce contiguë, où il invita la femme de Frébald à se rendre pour un entretien confidentiel. Il dura peu de temps. Avant qu’il ne se termine, le Saxon vint demander au frère Antoine de se joindre à la délibération. Quand il revint dans la salle, suivi d’Adelinde, qui crispait son visage pour retenir ses larmes, et du moine, l’air à la fois soucieux et décidé, l’un des deux gardes qui patrouillaient dans Auxerre même se présenta à lui.
    — Je t’écoute, allons ! ordonna le missus.
    — Voici, seigneur : le comte Ermenold, le vicomte Héloin, Arger, vicaire de Toucy, et un homme d’armes viennent de franchir l’Yonne à hauteur de la grande abbaye, entre Saint-Germain donc et Saint-Marien. Sur la route qui longe le fleuve, rive droite, ils ont pris au galop la direction du nord.
    Erwin se tourna vers Adelinde.
    — Oui, fasse le Ciel qu’il soit encore temps !
    Il revint au garde.
    — Quand tout cela ? demanda-t-il.
    — Moins d’une demi-heure.
    — Tu as fait vite. C’est bien. Étaient-ils armés ?
    — Oui, seigneur. Armement léger : ni épée longue, ni broigne, ni écu, ni casque… Fallait-il les suivre ?
    — Que te disaient tes consignes ?
    — De demeurer à ta disposition, seigneur.
    — Tu tiens la réponse ! Maintenant, va avertir quatre des gardes qui attendent dans l’antichambre : qu’ils se préparent à m’accompagner, avec glaive court et coutelas, arc et flèches, des vivres pour la journée. Que l’un d’eux prenne une hache ! Je veux les cavaliers et les chevaux les plus rapides. Bien entendu, qu’on harnache ma monture et qu’on apprête mon équipement ! Va ! Dans

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