Le guérisseur et la mort
Ensuite, cela s’est calmé et, aujourd’hui, j’éprouve… je n’éprouve plus rien. Je suis prostrée, sauf lorsque l’on me rappelle mon calvaire, et là je ne peux plus me retenir de pleurer.
Quelques larmes brillèrent dans ses yeux.
— Mais c’est tout de même mieux que de souffrir. Et le jardin m’est bénéfique.
Elle prit un abricot sec et mordit dedans.
— Puisque vous connaissez les plantes, croyez-vous que la menthe va repousser ? Elle étouffait sous les mauvaises herbes et je la croyais morte. J’ai quasiment tout cueilli pour confectionner cette boisson.
— Oui, la menthe est très robuste. Quand on supprime ce qui l’étouffe, elle repart très vite, vous verrez. Exactement comme le font les personnes fortes accablées de soucis quand quelqu’un contribue à les en délivrer. Les êtres humains et les plantes, ajouta-t-il avec un sourire, ont besoin d’un peu d’aide de temps en temps.
— Oh, messire, voilà que vous me faites un cours, dit Regina avant de sourire, pour la première fois depuis près d’un an.
Le Samedi saint débuta par une forte averse, puis un vent violent souffla avant que le soleil ne brille dans un ciel marqué d’une traîne de nuages. Romeu se leva tôt et travailla jusqu’à l’heure du déjeuner sans se reposer un seul instant.
— Voilà, dit-il, j’ai terminé mon ouvrage pour maître Éphraïm. Il ne me reste plus qu’à le polir une dernière fois et à le vernir, mais cela attendra bien lundi. En attendant, je me repose. J’ai une belle pièce d’agneau à faire braiser pour la déguster demain.
Après un déjeuner frugal et une sieste, Regina passa l’une de ses plus belles robes et entra dans la cuisine, où son père et Lucà étaient assis, en pleine discussion. Elle les regarda, l’un après l’autre.
— Il fait beau et le vent a séché les chemins. J’ai pensé qu’il serait plaisant de se promener, dit-elle. Peut-être le long de la rivière.
— Quelle excellente idée, Regina ! s’exclama son père. Je n’avais pas remarqué que le temps s’était amélioré. Oui, allons tous nous promener.
À pas lents parce que Regina se fatiguait facilement, ils descendirent jusqu’à la rivière.
— Il y a tant de monde dehors, murmura-t-elle.
— C’est parce que c’en est fini des nuages et de la pluie, lui répondit son père.
— Quel est cet homme, papa ? demanda-t-elle en désignant un groupe qui franchissait le pont. Ce doit être un nouveau venu.
— Lequel ?
— Celui qui a les cheveux clairs et la barbe foncée. Hier, quand j’aérais les draps, je l’ai vu dans la rue qui se dirigeait vers la porte.
— Je ne le vois pas, et vous, maître Lucà ?
Il observa les personnes présentes sur le pont.
— Non. Un instant, j’ai cru qu’il s’agissait d’un vieil ami, mais en fait il ne lui ressemble en rien. Je crains de ne pas encore savoir qui est nouveau venu ici et qui en est natif, ajouta-t-il comme pour s’excuser.
— Je dois sortir davantage, déclara Regina avec une modestie feinte, sous peine de devenir aussi ignorante que maître Lucà.
Son père aurait juré qu’elle lui avait adressé un clin d’œil.
— Nous allons rentrer, dit-il, tu pourrais te fatiguer car tu n’es plus habituée à l’exercice.
C’est alors que les commérages débutèrent. Les voisins s’attendaient à tout instant à apprendre que Regina devait être mise au tombeau. Et pourtant elle était là, amaigrie et un peu terne, certes, mais bien vivante, les joues rosies par l’air frais et le soleil.
Le lendemain matin, elle se leva et choisit sa plus belle tenue. Elle arrangea ses cheveux et son voile avec un soin extrême.
— Cela ne me va pas, dit-elle en entrant dans la cuisine. Regarde, papa, le tissu pend de toutes parts, j’ai l’air d’être vêtue d’un sac.
— Soit tu prends une aiguille, soit tu ajoutes un peu de chair à tes os, remarqua Romeu en riant. Je trouve pour ma part que cela te va plutôt bien. Viendras-tu à la messe avec nous ? C’est Pâques.
— Je sais que c’est Pâques, papa, et, bien évidemment, je vous accompagne à l’église.
Son pas était un peu plus rapide et elle n’était pas aussi pâle que la veille, détails qui n’échappèrent pas à ceux qui croisaient son chemin.
— C’est un miracle, dit une matrone à une autre. Je crois savoir qu’il la soigne avec une décoction de son invention et qu’en une semaine, il l’a
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