Le guérisseur et la mort

excellent bateau appareille jeudi –, vous seriez revenu à temps pour fêter la Pâque avec nous. Pendant votre absence, Raquel pourrait mettre la dernière main aux préparatifs de son mariage. La Pâque se termine un lundi. Le dimanche suivant me semblerait idéal pour une noce, mais vous pouvez choisir n’importe quel jour de la semaine ou encore plus tard, si vous préférez.
    — Pourquoi voulez-vous que je parte dès demain pour Majorque ? s’étonna Daniel.
    — Pour aller voir une dame du nom de Perla qui vit en ville et pour lui poser quelques questions. Si vous acceptez, je vous dirai quoi lui demander. C’est une personne très agréable, Daniel, assez âgée pour être ta grand-mère, Raquel. Discutez-en. Je retourne chez Éphraïm. Vous savez, Daniel, il espère que vous partirez, surtout si vous avez un moment pour régler quelques-unes des affaires qu’il a là-bas.
    — Nous pourrons enfin nous marier ? demanda Raquel.
    — Ta mère aura recouvré toutes ses forces. Plus rien ne vous séparera, ajouta Isaac en se tournant vers la maison. J’attends votre réponse.
    — Mais partir demain… dit Daniel. Je n’ai pas de papiers pour voyager, pas de cartes…
    — Maître Mordecai s’est occupé de tout. Vous verrez, vous n’aurez qu’à mettre des habits dans un ballot et à chevaucher l’une de ses excellentes mules.
    — Maître Mordecai ? Je sens la main du destin posée sur mon épaule. Jamais, depuis que Jacob travailla pour être l’époux de Rachel 2 , aucun homme n’a fait davantage pour gagner celle qu’il désire plus que toute autre chose au monde. Si je pars, tiendront-ils leur parole cette fois ?
    — Si papa dit que nous nous marierons le dimanche, dans quatre semaines, c’est qu’il le pense sincèrement, dit Raquel. Il ne change pas d’avis à la légère. Et nous en avons déjà parlé à votre oncle.
    — Dans ce cas, je partirai. Demain, levez-vous aux aurores, ma chérie, lui murmura Daniel, je serai à votre porte avant de partir. Bien, je dois maintenant aller voir l’oncle Éphraïm.
    Après un rapide coup d’œil aux autres personnes présentes dans la cour, il l’embrassa, la serra contre lui puis s’enfuit en courant.
    — Daniel, tu retournes travailler ? lui demanda Dolsa. Moi qui t’avais apporté de quoi grignoter.
    — Je ne puis rester plus longtemps, je le crains, mais je suis persuadé que Raquel demeurera à vos côtés.
    — Excellent. Nous aurons ainsi l’occasion de parler du mariage.
     
    Raquel dormit mal cette nuit-là, tiraillée entre espoirs et craintes, dont la peur de ne pas se réveiller pour voir une dernière fois Daniel avant son départ. Elle bondit de son lit aux premiers chants des oiseaux et dès que les coqs se répondirent dans les fermes des collines toutes proches. Elle fit sa toilette et se vêtit dans l’aube blafarde, puis elle descendit en silence les marches de l’escalier menant à la cour.
    C’est alors qu’elle entendit un bruit de pas. Elle s’élança vers le portail, peina pour l’ouvrir et se glissa dans la pénombre de la rue.
    — Je n’ai pas beaucoup de temps, lui dit Daniel. Je pars avec un ami de Mordecai et il m’attend près de la porte avec une mule.
    Raquel jeta les bras autour de son cou, l’embrassa et le serra très fort contre elle avant de s’écarter de lui.
    — C’est pour vous, mon bien-aimé. Une boucle de mes cheveux, pour vous souvenir de moi.
    Elle lui tendit un médaillon accroché à une chaînette.
    Il l’ouvrit et trouva une boucle épaisse. Il referma alors le médaillon et mit la chaîne autour de son cou.
    — Elle repose sur mon cœur. Je serai bientôt de retour.
    Il l’embrassa une fois encore et disparut.
    Peu après, Yusuf débarquait dans la cour tout en mangeant une tranche de pain et un morceau de fromage.
    — Vous vous êtes levée tôt, dit-il.
    — Où vas-tu ?
    — Cueillir des plantes. La porte de la ville sera ouverte un bref moment ce matin et je vais en profiter. Je vais réellement cueillir des plantes, ajouta-t-il avec humeur. Et faire d’autres choses. Mais il y a des herbes médicinales dont nous avons grand besoin. Vous avez l’air fatiguée, Raquel. À votre place, je retournerais me coucher.
    Convaincu que Yusuf savait pertinemment pourquoi elle s’était levée de si bonne heure, elle le regarda partir, ferma le portail et se dirigea vers la cuisine pour y trouver de quoi déjeuner. Elle prit des fruits, du pain et