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Le guérisseur et la mort

Le guérisseur et la mort

Titel: Le guérisseur et la mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
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Mordecai. Il le tint à quelque distance de son nez, le huma, puis l’écarta et inspira à pleins poumons. Il répéta à plusieurs reprises ce processus, rapprochant chaque fois le flacon de son nez.
    — Faites exactement ce que je dis et notez ce que vous sentez. S’il y a une odeur d’amandes amères, refermez-le aussitôt. Sinon, inscrivez toutes les caractéristiques.
    Raquel et Yusuf sentirent le contenu du flacon puis ils le rendirent au médecin.
    — C’est une odeur désagréable, papa, que dissimule une fragrance fleurie.
    — C’est parce qu’il s’agit d’un mélange. Le nez s’efforce d’en dissocier les éléments et de les identifier. À présent, apporte-moi un demi-gobelet d’eau pure et mets-y une goutte de cette mixture.
    Le pichet et le gobelet se trouvaient déjà sur la table dressée dans la cour. Raquel fit ce qu’on lui avait demandé. Plutôt visqueuse, la goutte dessina une forme d’un brun rougeâtre en tombant au fond.
    — Le mélange est épais, papa, il se déplace lentement dans l’eau et produit des filaments.
    — Va chercher une cuillère propre et remue.
    Raquel adressa un signe de tête à Yusuf, qui courut jusqu’à la cuisine et revint avec la cuillère demandée. Elle remua le liquide, doucement et sans à-coups.
    — C’est bien mélangé, dit-elle.
    — Où est-ce ?
    Elle posa le gobelet devant son père et il s’en saisit de la main gauche. Il trempa son index droit dans l’eau, se frotta les doigts puis effleura le bout de sa langue. Il reposa ensuite le gobelet.
    — À vous.
    Raquel l’imita non sans grimacer de dégoût et tendit le gobelet à Yusuf.
    — Oh, s’écria l’enfant, mais c’est horrible !
    — De quelle façon ?
    — D’abord, c’est très doux, puis il y a un goût affreux qui semble vouloir s’accrocher.
    — Amer ? Acide ? Un goût de pourri ? Je veux savoir précisément, c’est important.
    — Je ne suis pas trop sûr, dit l’enfant.
    — Moi, je le qualifierais d’amer, intervint Raquel, mais il y a autre chose.
    — Rincez-vous la bouche et jetez ce mélange à terre, dit Isaac en se dirigeant vers la fontaine pour faire de même.
    Quand ceci fut fait, Isaac demanda que l’on mît deux gouttes dans de l’eau.
    Raquel répéta le processus.
    Une fois encore, le médecin plaça une infime quantité de liquide sur le bout de sa langue. Il tendit le gobelet à Raquel, qui réitéra l’expérience avant de le transmettre à Yusuf. Elle se rinça la bouche.
    — C’est d’un sucré assez écœurant, papa, ensuite, il y a deux goûts amers différents, l’un après l’autre. Je ne parviens pas à les décrire.
    — Qu’éprouves-tu sur la langue ?
    — C’est curieux.
    — Et toi, Yusuf, peux-tu me parler de ce goût ?
    — Non, seigneur, répondit l’enfant. Mais je ne l’oublierai pas aussi longtemps que je vivrai.
    — Bien, mais tu vivras plus longtemps si tu le recraches dès l’instant où tu l’identifies.
    — Lucà aurait tenté d’empoisonner maître Mordecai ?
    — Non, dit Isaac. Il lui avait recommandé de prendre deux gouttes dans un demi-gobelet de vin. L’étrange sensation qu’a connue ta langue aurait envahi tout son corps, il aurait eu les membres lourds et engourdis. Ce peut être utile quand un patient souffre de goutte ou des articulations, mais ce peut aussi être très dangereux car une trop grande quantité de cette substance entraîne la mort. Tu devrais la reconnaître, il a mélangé de l’écorce de saule ordinaire à du jus de pavot, des feuilles séchées de jusquiame et de la racine de mandragore. Pour masquer ce goût, il ajoute du sucre en grande quantité ; le vin avec lequel il est recommandé de boire ce remède fait le même effet.
    — Quelle composante a ce goût aussi affreux ? demanda Yusuf.
    — La jusquiame. Elle a toujours ce goût et cette odeur de pourri.
    — Papa, vous aussi, vous utilisez ces substances, s’étonna Raquel.
    — Oui, pour des douleurs intolérables, mais pas mélangées ainsi et surtout pas pour ce dont Mordecai était censé souffrir. C’est comme soigner un doigt blessé en coupant le bras. Mais je reconnais qu’il n’avait pas l’intention d’empoisonner mon ami Mordecai.
    — Que va faire maître Mordecai à présent ? demanda Raquel.
    — Je lui rendrai visite cet après-midi pour lui porter la bonne nouvelle – nul n’aime se croire la victime désignée d’un assassinat – et je lui

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