Le guérisseur et la mort
l’avait pas trompé. Et quelque chose lui disait que sa confiance était justifiée.
— Les tanneries sont par ici, dit Miquel, mais on va ailleurs. Le garçon qui vous intéresse y venait parfois et je le voyais en compagnie de l’un ou de l’autre, mais c’est surtout là-bas qu’il allait.
Miquel désignait une bâtisse branlante adossée à un bâtiment d’aspect plus solide. Sans hésiter, il frappa à la porte et une femme ouvrit.
— Qu’est-ce que tu veux ? lui demanda-t-elle. Fiche le camp. Tu es trop jeune pour traîner dans le coin.
— On cherche Sara, répondit Miquel. C’est important.
— Elle est partie. Va-t’en.
— Où ça ?
— Comment je le saurais, moi ? Rentre chez toi.
Daniel décida que le moment était venu de s’immiscer dans cette conversation.
— C’est moi qui cherche Sara, maîtresse, dit-il poliment. Pas cet enfant. Il a juste eu l’amabilité de me montrer le chemin. J’ai des affaires…
— De quel genre ?
— Je viens de Gérone et je voudrais retrouver…
— Dégagez ! hurla la femme. Fichez-moi le camp d’ici ! Ou j’appelle des amis qui s’occuperont de vous !
— Je ne désire causer aucun tort à maîtresse Sara, dit Daniel en s’avançant vers elle.
— Au secours ! brailla-t-elle de plus belle.
Des portes s’ouvrirent et bientôt la rue déserte s’emplit de monde.
— Confiez-moi votre bourse, maître, lui chuchota une voix à l’oreille, et je vais vous trouver de l’aide.
Sans réfléchir, Daniel la sortit de sa large ceinture et la glissa au gamin, qui disparut dans la foule comme un furet dans sa tanière.
Daniel dérapa sur le sol humide et tomba. Il leva les bras pour se protéger des innombrables coups qui s’abattaient sur lui, mais soudain le tumulte s’amplifia. Les coups cessèrent de pleuvoir. Il avait été traîné vers le mur de l’ancienne maison de Sara et il s’y appuya pour se relever. La foule dont il ignorait totalement l’importance se réduisait à présent à trois gaillards armés de gourdins. De toute évidence, ils en avaient fait bon usage.
— Maître, dit Miquel, vous allez bien ?
— Je suis crotté, répondit Daniel, et j’ai quelques contusions, mais surtout je ne comprends pas. Pourquoi se sont-ils tous jetés sur moi ?
— Ils ont cru que vous leur vouliez du mal, dit l’un des hommes. Ils s’entraident, voyez-vous ? Mais Miquel a dit que ce n’était pas le cas… bon, de toute façon…
— Je leur ai promis une pièce à chacun, dit Miquel en rendant sa bourse à Daniel. Ça ira ?
— Vu que sans eux je serais mort à cette heure ou en mille morceaux, je ne peux qu’accepter.
Il récompensa les hommes ainsi qu’il en avait été convenu.
— À présent retournons chez maître Maimó.
— Dès maintenant et jusqu’à mon départ de Majorque, je jure de ne plus poser la moindre question à ceux que je ne connais pas, déclara Daniel à son hôte. Il semble que j’ai le don de demander aux gens des choses qu’ils ne souhaitent pas me dire.
Il portait une tunique propre et le gamin avait été généreusement récompensé. Daniel était assis dans la cour, un gobelet de vin à la main.
— Je crois qu’il serait sage que vous restiez à la maison jusqu’à demain, dit Maimó. On vous escortera au port. Vous avez d’une manière ou d’une autre, en toute innocence, j’en suis persuadé, semé la perturbation chez un certain nombre d’individus.
— La femme à qui Rubèn rendait visite s’appelait Sara. Pensez-vous que ce pourrait être la même Sara qui travaille pour maîtresse Perla ?
— C’est possible, bien que ce soit un nom très répandu. Il aurait pu la connaître quand elle venait s’occuper du linge. Ah, ce linge, voilà que nous le rencontrons à chaque pas ! Mais reprenez donc du vin, maître Daniel.
— Je crois que vous cherchez à me rendre incapable de sortir d’ici.
— Ce serait en effet une excellente idée si elle m’était venue, répliqua son hôte d’une voix douce.
Le lendemain matin, Daniel fut réveillé par un coup frappé à la porte.
— Maître Daniel, dit Maimó, le vent est favorable et le déjeuner vous attend. Je suis venu vous demander de vous hâter.
Il sauta de son lit, fit sa toilette, se vêtit et referma le ballot contenant ses affaires. Dans la cuisine l’attendait un copieux repas constitué de riz au poisson, de légumes, d’un pain tout juste sorti du four et de
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