Le guérisseur et la mort
emmènerais ?
— Où ça ?
— Dans les deux endroits.
— Ça vous coûtera une pièce, dit le gamin, l’air très assuré.
— Tu en auras bien davantage si je trouve ce que je recherche, l’assura Daniel.
Miquel se leva avant de se tourner vers son employeur.
— Par où vous voulez commencer ?
Après avoir discuté de l’itinéraire idéal, ils décidèrent de partir d’un étal où l’on vendait de belles portions de viande grillée. Daniel acheta deux petits pains, les fourra de viande et en tendit un à Miquel après l’avoir enveloppé dans une feuille de vigne. Il était persuadé que le gosse lui en dirait plus s’il avait le ventre plein. De là, ils franchirent le pont menant à la ville basse et aux remparts.
Miquel trottinait devant Daniel et lui désignait les endroits susceptibles de l’intéresser.
— Tenez, là, deux marins se sont fait tuer, et là, quand la rivière a débordé dans toute la ville, j’ai vu un homme et un chien qui s’étaient noyés.
Les descriptions se poursuivirent tout au long du chemin, parfois cocasses, parfois sinistres, parfois juste dignes d’un gamin de son âge.
— C’est là qu’ils sont allés, dit Miquel en montrant une ruelle étroite apparemment plus propre et moins sombre que celle où Daniel s’était aventuré. Vous voulez que je demande ? ajouta-t-il comme s’il doutait de la capacité du jeune homme à se faire comprendre.
— Je m’en charge. Si je rencontre des problèmes, je t’appellerai au secours.
Une femme balayait devant sa boutique : il semblait évident de commencer par elle.
— Maîtresse, dit poliment Daniel, je suis à la recherche d’un jeune homme. Je crois qu’il vivait ou travaillait dans cette rue jusqu’à son départ de l’île, il n’y a pas très longtemps.
— Vous connaissez son nom ? lui lança-t-elle, manifestement pressée.
— Je n’en suis pas certain.
— Quel genre il avait alors ?
— D’une taille moyenne ou grande, avec des yeux bruns, plus clairs que les miens, brun clair et le teint plutôt pâle. Il a une belle carrure ainsi que des manières et un sourire engageants.
— C’est tout à fait lui, dit Miquel d’un air admiratif.
— C’est votre ami que vous recherchez, hein ? Eh bien, laissez-moi vous dire que moi aussi, je le cherche, et que si je le trouve, lui et son voleur de maître, je leur enverrai les officiers. Malade, c’est ce qu’il disait – il n’en avait pas l’air, en tout cas. Quelque six mois de loyer qu’il me devait quand je l’ai vu pour la dernière fois, c’était avant la Saint-Michel, et je n’ai toujours pas de nouveau locataire…
— Vous n’avez pas vu ce jeune homme depuis la Saint-Michel ?
— Lui ? Pas depuis au moins un an. À la première alerte, voilà qu’il disparaissait. On ne peut plus faire confiance aux jeunes de nos jours, ajouta-t-elle en secouant la tête. En tout cas, je n’aurais pas dû, je ne serais pas dans cette mistoufle. Son maître disait qu’il reviendrait, qu’ils pourraient travailler régulièrement et payer le loyer, mais il n’a jamais refichu les pieds ici. Et puis, le vieux est parti à son tour, je ne savais pas s’ils reviendraient et tous ceux qui voulaient habiter chez moi avaient déjà trouvé autre chose.
Elle brandit son balai devant Daniel.
— Vous leur direz tout ça !
— Que faisait son maître ? Il travaillait à la boutique ?
— Il fabriquait des choses. Si vous le connaissez, vous devez savoir qu’il était menuisier, un bon menuisier qui plus est. Il m’a réparé ma table et elle est comme neuve. Il m’avait proposé ça, de menues réparations en guise de loyer, mais je ne marche pas là-dedans.
— Merci et pardon de vous avoir importunée, maîtresse, dit Daniel en lui glissant un sou dans la main.
— Vous n’auriez pas dû faire ça, maître, lui dit Miquel une fois qu’ils se furent éloignés. Elle n’a pas été très polie avec nous.
— Ne crains rien, Miquel, ce n’est pas mon argent que je dépense là. Et puis, elle nous a raconté des choses intéressantes.
Selon Miquel, le chemin qui menait aux tanneries était assez complexe et obligeait à zigzaguer dans une succession de rues se croisant à angle droit. Après quatre ou cinq tournants, Daniel ne savait plus du tout dans quel sens il allait. Il n’avait d’autre choix que de faire confiance à cet enfant qui, après tout et jusqu’à présent, ne
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