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Le guérisseur et la mort

Le guérisseur et la mort

Titel: Le guérisseur et la mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
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évasive.
    — Fort intéressant, en tout cas. Un jour, nous devrions aller à Majorque, ajouta Daniel en posant un instant sa main sur celle de Raquel. C’est un endroit merveilleux. J’ai aussi rapporté un paquet de lettres destinées à maître Mordecai. J’ignore si elles ont rapport avec ma mission, mais je suppose que je devrais les lui apporter séance tenante.
    Il se leva à contrecœur.
    — Je pense que ce serait une excellente idée, convint Isaac. Raquel, serais-tu assez aimable pour raccompagner Daniel ? Je dois me retirer dans mon cabinet. Mais parle doucement, fit-il en se dirigeant vers l’escalier. Ta mère s’est endormie avec le bébé et j’espère qu’il ne la réveillera pas de la nuit.
    Isaac embrassa sa fille, lui murmura quelque chose à l’oreille et se dirigea vers la porte de son cabinet.
    Raquel prit Daniel par la main et le conduisit au banc près de la fontaine.
    — Asseyons-nous un instant avant votre départ, dit-elle.
    — Que voulait votre père ?
    — Il a suggéré que rien ne vous obligeait à partir si vite et qu’il avait bien des choses à faire avant que d’aller se coucher. Ce qui signifie que nous pouvons rester tranquillement ici sans qu’il vienne nous déranger.
    Daniel prit les mains de Raquel et les porta à ses lèvres.
    — Vos mains sont si belles à la lueur de cette lanterne ! Si gracieuses, si fortes, et pourtant, une fois immobiles, elles ressemblent à du marbre tiède. Quand vous écoutez parler quelqu’un, elles reposent sur vos genoux, totalement détendues. Le saviez-vous ? Elles ne font jamais de gestes inutiles, comme les mains des autres femmes, et je me rends compte à présent qu’il est trop tard pour déranger maître Mordecai. Je resterai ici le plus longtemps possible et ne lui porterai ses lettres qu’au matin.
    — Croyez-vous vraiment que c’est ce que papa désirait en se retirant dans son cabinet ? dit Raquel qui avait du mal à réprimer un petit rire.
    — J’en suis certain, répondit Daniel, car lui aussi est fait de chair et de sang.

XVII
No cal dubtar que sens ulls pot home veure On ne peut douter que sans yeux un homme ne peut voir
    Isaac dit ses prières du soir et se prépara pour la nuit. Mais au lieu de regagner sa couche, il s’enveloppa dans un grand châle de laine et prit place dans son fauteuil.
    Son savoir comme son instinct lui disaient que, si rien n’était fait, le lendemain, un innocent serait jugé pour meurtre, condamné, puis livré à la ville pour être pendu quelques heures après. Les informations de Daniel étaient certes intéressantes, mais elles ne pouvaient sauver Lucà.
    Sa certitude de l’innocence du jeune homme lui venait d’ailleurs. Ce qui signifiait que, sans même connaître le véritable coupable, il y avait en lui un fragment de connaissance, une ébauche de preuve logique à même de convaincre le tribunal épiscopal. Mais cette certitude ne venait-elle pas simplement de la pitié qu’il éprouvait pour Regina et Romeu ? Croyait-il Lucà innocent parce que lui-même l’avait dit et que lui-même était droit ? Il frissonna. Seul un dément ou un être divin pouvait nourrir de telles pensées, et il espérait, non, il savait n’être ni l’un ni l’autre.
    Il contempla les ténèbres insondables et écouta les voix enregistrées dans son esprit. « Il a passé deux jours à reconstituer une potion qu’il avait vu son maître concocter. » C’étaient les douces intonations de Regina. « Il m’a parlé des plantes qu’il trouvait aux environs de Gênes. » Là, c’était Yusuf. « Il m’a parlé de sa vie à Majorque et en Sardaigne. » Et là, Romeu. Pas à Gênes, mais en Sardaigne. Pourquoi mentir sur ce point ? Serait-il allé dans ces deux endroits ? Pourquoi un compagnon menuisier ramasserait-il des herbes médicinales à Gênes… ou en Sardaigne ? Et avec qui ?
    Avant de trouver une explication raisonnable, il entendit frapper à la porte si doucement que l’on eût dit la caresse d’une branche.
    — Êtes-vous réveillé, seigneur ?
    — Entre.
    — Tomás est conscient et il se sent mieux, dit Yusuf. Son regard est normal et il se souvient de certaines choses.
    — Il faut y aller sur-le-champ. Cette fois-ci, nous franchirons le portail.
    — Comment savez-vous que je ne l’emprunte pas ?
    — Parce que je n’ai entendu personne te parler. De même, je n’ai pas entendu Ibrahim se lever ou claquer les battants du

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