Le Huitième Péché
avoir marqué une pause artificielle, il poursuivit en regardant par la fenêtre.
— En cas d’urgence, il y a, à Bonn ou à Coblence, des dames serviables. J’espère avoir répondu à votre question.
— Oui, bien sûr, se contenta de répondre Malberg, surpris par la façon dont Anicet avait interprété sa question.
— Alors, sommes-nous d’accord ? insista ce dernier en le transperçant du regard.
Malberg acquiesça mollement.
— J’espère que vous serez satisfait de mon travail.
— Vous êtes l’homme de la situation ! dit Anicet en s’efforçant de rire sans y parvenir vraiment. C’est un heureux hasard qui nous a valu de nous rencontrer. Une chose encore : la confrérie exige de ses collaborateurs la plus grande discrétion.
— Je comprends.
— Lorsque vous arriverez au château de Layenfels, vous n’aurez qu’à donner le code suivant : « Apocalypse 20,7 ». Cela vous ouvrira toutes les portes.
Malberg remarqua que ses mains étaient moites. Il murmura, presque contre son gré :
— Lorsque les mille ans seront accomplis, Satan sera libéré de son cachot.
Ses paroles surprirent Anicet.
— Mais, dites-moi, vous auriez fait un bon théologien ! D’ailleurs, la plupart des théologiens ne sont pas capables de citer l’Apocalypse de saint Jean.
Malberg haussa les épaules et voulut minimiser sa connaissance des Écritures. Il aurait pu ajouter : « Ce sont les derniers mots que la marquise, la meilleure amie de Marlène, a prononcés avant d’être assassinée dans la rue. » Devait-il dire à cet homme au visage exsangue qu’il avait recherché depuis lors la signification de cette référence ?
Il répondit donc :
— Pour un homme comme moi, qui ne s’occupe que de livres anciens, l’Apocalypse fait partie de la culture générale.
La réponse fit son effet. Anicet hocha la tête, admiratif.
— Des gens comme vous sont prédestinés à entrer dans notre confrérie. Vous devriez y réfléchir.
Puis il fit un signe au serveur et demanda l’addition.
Au même instant, le portable de Malberg vibra dans sa poche.
— Veuillez m’excuser, dit-il en se levant pour sortir rapidement dans la rue.
C’était Caterina. Malberg ne la laissa pas parler :
— Je ne peux pas te parler maintenant. Excuse-moi, je te rappelle dans dix minutes, dit-il en mettant fin à la communication.
Lorsqu’il rentra dans le restaurant, la place d’Anicet était vide.
Malberg resta un court instant perplexe. Mais seulement un court instant.
54
I l était environ 22 h lorsque plusieurs coups de sonnette retentirent. Assise devant la télévision, Caterina regardait un de ces shows insipides de la Rai Uno , présentés par un animateur niais aux cheveux clairsemés, où des filles à moitié nues s’exhibaient. Qui pouvait bien sonner à une heure pareille ?
— Qui est-ce ? demanda-t-elle à travers la porte.
— Signora Fellini ! Il faut absolument que je vous parle !
— Vous êtes bien la dernière personne dont j’attendais la visite, dit Caterina tout en déverrouillant la porte. Mon Dieu ! Que vous est-il donc arrivé ? s’écria-t-elle, épouvantée.
La femme qui, il y a peu de temps encore, portait des vêtements de luxe et des sacs à main achetés sur la Via Condetti, paraissait à présent des plus négligées. Une fois de plus, elle semblait avoir bu. Son maquillage avait coulé. Des mèches de cheveux tombaient en désordre sur son front. Elle respirait difficilement.
— Hier, à l’aéroport, finit-elle par bégayer, vous m’avez bien reconnue ?
— Oui. Mais que s’est-il passé ? Je vous en prie, entrez.
Caterina lui proposa une chaise.
— J’avais l’impression qu’un de ces hommes vous menaçait avec une arme. En tout cas, vous ne sembliez pas le suivre de votre plein gré.
La signora Fellini, tassée sur elle-même, l’image même du désarroi, retenait avec peine ses larmes.
— Oui, je voulais partir, prendre la fuite. Je pensais pouvoir acheter un billet de dernière minute, monter dans le prochain avion et tout laisser derrière moi. Dans ma précipitation, je n’avais pas remarqué que deux hommes me suivaient. Au moment où je gagnais le hall d’embarquement, ils ont glissé leurs bras sous mes aisselles et m’ont emmenée. L’un d’eux m’a dit à voix basse : « Comment cela, signora , vous ne vous plaisez plus chez nous ? Vous n’allez pas nous fausser compagnie de cette manière.
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