Le Huitième Péché
général Burchiello. C’est pour me dire cela que vous m’avez fait venir ?
— Ce n’est pas la raison de votre présence ici, dit Mesomedes avec un sourire arrogant. Vous allez comprendre. On a trouvé ce dossier sur le bureau de feu le procureur général…
Caterina prit le dossier qui portait la mention « top secret » et se mit à le feuilleter, de plus en plus fébrilement au fur et à mesure qu’elle prenait conscience du contenu explosif des pages qu’elle tournait. Puis elle leva un regard interrogateur vers Mesomedes comme pour lui poser une question.
Mais il la devança et lui dit d’un ton posé :
— Il y a dans ce dossier toutes les réponses aux questions soulevées par la mort de Marlène Ammer.
— Mais enfin, ce n’est pas possible !
— Mais si ! dit Mesomedes en reprenant le dossier des mains de Caterina. Burchiello n’était pas un novice en la matière. Il a eu tôt fait de comprendre que les efforts de Gonzaga pour préserver à tout prix le secret sur cette affaire ne feraient pas long feu. Il y avait trop de gens au courant. Ils ne se taisaient que parce que le cardinal secrétaire d’État avait acheté leur silence à prix d’or. Dans le dossier (Mesomedes feuilleta rapidement les pages pour retrouver celle qu’il cherchait), ici, on retrouve même un petit reçu au nom de Giordano Burchiello : cinquante mille euros. Le salaire d’un procureur général n’est pas assez conséquent pour qu’il fasse la fine bouche.
— Il semble néanmoins que la conscience du procureur général ne se soit pas tue pour autant. Elle s’est même rappelée à lui avec tant de force que son cœur a lâché.
— Exact. Burchiello avait souvent mis son corps à rude épreuve, pas seulement en allant régulièrement à la trattoria la plus proche. Cela se paie un jour ou l’autre, surtout si l’on y ajoute le poids du psychique.
Caterina hésita, puis finit par demander maladroitement :
— Ce qui m’intéresserait… peut-on lire dans ce dossier qui a tiré sur la marquise ?
— Bien sûr. Même si l’assassin n’est pas nommément cité, il a agi sur ordre de Gonzaga.
— Le diable se cache vraiment sous la pourpre de cardinal. Je n’aime pas particulièrement l’Église, mais elle ne mérite pas de compter un tel individu en son sein.
— Certes non !
— Alors, Gonzaga a aussi cet homme au visage brûlé sur la conscience ? Le dossier apporte-t-il une réponse sur ce point ?
Mesomedes hocha lentement la tête.
— La chose qui vous étonnera peut-être le plus, c’est que ce démon de Gonzaga avait trouvé plus fort que lui en la personne de monsignor Giancarlo Soffici.
— Le secrétaire du cardinal secrétaire d’État ?
— Tout à fait. Une apparence bien falote, mise à part l’écharpe pourpre qui ceignait son ventre. Il souffrait d’être traité comme un moins que rien par Gonzaga. Il a décidé un jour de se venger de son maître. Il avait connaissance des machinations de son Éminence, et savait aussi que celui-ci était capable de tuer père et mère pour parvenir à ses fins. Il n’a fait que l’imiter.
— Ce secrétaire effacé du cardinal ? dit Caterina en secouant la tête.
— Les assassins les plus pervers se distinguent justement par leur discrétion. Vous avez dû rencontrer souvent ce genre de personnage dans votre profession.
— Vous avez raison.
— Toujours est-il que c’est Soffici qui a commandité le meurtre de Gueule-brûlée pour s’emparer du bout d’étoffe prélevé sur le saint suaire de Turin. Gueule-brûlée a d’abord proposé la relique à Gonzaga. Pour des raisons que nous ignorons, la transaction ne s’est pas faite. Au lieu de cela, c’est un certain Malberg qui a soudain manifesté son intérêt pour ce bout de tissu.
— Malberg ?
— Oui, Malberg. Au fait, où est ce type ?
Caterina haussa les épaules.
— Écoutez, dit Mesomedes en changeant de ton. Inutile de jouer la comédie. Votre liaison avec le bouquiniste de Munich est officiellement connue depuis longtemps. De plus, vous êtes certes une bonne journaliste dans le domaine des affaires criminelles, mais une piètre comédienne.
— Il se trouve en Allemagne, dit aussitôt Caterina pour mettre fin à cette situation embarrassante.
Mesomedes poursuivit :
— Soffici connaissait sans doute la valeur de ce morceau de tissu. Il n’a pas voulu renoncer à l’affaire. Il avait besoin d’argent, de beaucoup
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