Le Japon
l’abdication de son vivant en faveur de son fils Hidetada. Il se débarrasse également des derniers descendants d’Hideyoshi, en s’emparant du château d’Osaka où ces derniers s’étaient retranchés. Blessé au cours du siège, il meurt l’année suivante, à l’âge de soixante-quatorze ans.
Mais personne ne conteste plus la suprématie de la dynastie des Tokugawa. Le rêve de stabilité prend ainsicorps dans la première moitié du XVII e siècle. Un encadrement rigide de la vie sociale sous toutes ses formes se met en place. Les seigneurs se voient soumis à un contrôle impitoyable. L’édit de 1615 n’autorise qu’un seul château par domaine, entraînant la destruction de centaines de forteresses.
Leurs alliances et leurs mariages sont eux aussi soumis à l’approbation du shogun. Ils doivent de plus résider à leurs frais une année à Edo et y laisser le reste du temps leur famille en otage : leurs incessants va-et-vient le long de la Tokaidô (voie menant de Kyôtô à Edo) avec leur suite sera le sujet de nombreuses estampes d’Hiroshige, l’un des maîtres du genre.
À cette constitution d’un État centralisé autour d’Edo et son corollaire, la pacification intérieure, s’ajoute la fermeture presque totale du pays. Ainsi, s’installe pour plus de deux cent cinquante ans la « Pax Tokugawa » dont la durée n’a d’équivalent dans aucun autre pays. Cette période de paix est aussi celle du développement économique et de la prospérité d’Edo et d’Osaka, et de l’élaboration d’une culture originale, à l’usage des marchands : théâtre du Kabuki, art des geisha.
Il n’y sera mis fin que lorsque la pression des puissances étrangères déclenchera, dans la seconde moitié du XIX e siècle, la révolution de Meiji : l’ouverture du pays à l’influence occidentale.
Seppuku : la mort sur ordre
La mort volontaire, telle qu’elle a existé au Japon, par l’éventrement au moyen d’un sabre court, fascine l’Occident depuis l’ouverture du pays au milieu du XIX e siècle. Dans l’Asie orientale, le suicide, en l’absence d’interdit religieux formel, était traditionnellement mieux accepté qu’en Occident, et ne constituait donc pas une particularité japonaise : on en trouve des témoignages tout au long de l’histoire de la Chine et de la Corée. Mais par son mélange d’extrême cruauté et d’esthétisme ritualisé, le suicide par éventration paraît l’une des coutumes les plus étranges et les plus emblématiques de la civilisation japonaise.
Connue en France sous le nom de « hara-kiri », alors qu’au Japon on emploie plus couramment les termes de seppuku ou kappuku (mais « hara-kiri » est aussi attesté, ces mots signifiant tous « se couper le ventre »), cette pratique n’a essentiellement concerné, du temps où on la mettait en œuvre, qu’une fraction très minoritaire des Japonais, les guerriers (bushi) pendant la période d’Edo (1600-1867), puis les officiers de l’armée jusqu’à la défaite de 1945.
L’apparition de cette manière de se supprimer est intimement liée à celle des bushi dans l’histoire japonaise. Les premiers exemples connus remontent à l’époque deHeian, vers le X e siècle. Un noble dévoyé, Fujiwara no Yasusuke, se serait donné la mort de cette manière en 988, pour ne pas tomber vivant aux mains de ses poursuivants. Il est difficile de faire de ce personnage, confondu dans certains récits avec un brigand légendaire nommé Hakamadare, l’inventeur du seppuku ; cependant la période où l’on situe ses méfaits fut effectivement marquée par une montée de l’insécurité dans les provinces, illustrant l’ascension progressive de groupes armés qui finirent par se constituer en maisons guerrières. Yasusuke et Hakamadare apparaissent dans les recueils de contes du début du Moyen Âge, comme les Histoires qui sont maintenant du passé (Konjaku monogatari) ou les Contes d’Uji , où les guerriers, leurs mœurs et leurs comportements, deviennent un sujet de littérature. Plus largement, le seppuku est mis en valeur par les épopées ou les œuvres historiques, dans lesquelles cet acte spectaculaire clôt des destinées tragiques : ainsi en est-il du récit romancé de la fin en 1189 de Minamoto no Yoshitsune, poursuivi par la vindicte de son demi-frère le shogun Minamoto no Yoritomo.
Dans les mentalités des guerriers qui avaient fait irruption sur la scène
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