Le Japon
mois. Il ne s’agit nullement d’une immense bataille comme Verdun ou Stalingrad, mais du début d’un conflit. Et, touchant ce lieu de mémoire éminent, ce n’est pas, depuis un demi-siècle, de stratégie que l’on débat mais de responsabilités.
La question s’est posée sur deux plans.
1) Décider si le Japon, profitant de l’évolution de la Seconde Guerre mondiale, s’est livré à une agression injustifiée ou si le gouvernement Roosevelt l’a placé en état de légitime défense.
2) Aux États-Unis mêmes, certains accusent Roosevelt et son entourage d’avoir délibérément, bien que connaissant le projet de l’attaque japonaise, laissé dans l’ignorance les responsables des forces aéronavales du Pacifique, afin de mieux manipuler l’opinion publique et l’entraîner dans la guerre aux côtés de l’Empire britannique.
Même si on s’en tient à la première question – l’agression du Japon était-elle justifiée ? –, seul l’examen de lachronologie permet de répondre. Pendant les mois qui précèdent Pearl Harbor, trois décisions sont à considérer :
1) le 22 juin 1941, l’invasion de l’URSS par l’armée allemande ;
2) le projet, définitivement adopté par le Japon, le 2 juillet, d’occuper le sud de l’Indochine française ;
3) la réplique des États-Unis, entre le 25 juillet et le 1 er août, qui imposent des sanctions économiques drastiques : jusqu’au tarissement de la fourniture de pétrole au Japon.
C’est dans la relation, serrée chronologiquement, entre l’avance japonaise et le blocus pétrolier américain, que se situe l’explication de l’affrontement. C’est-à-dire de la transformation d’une « guerre froide » en une « guerre chaude ».
Cette « guerre froide » a des racines plus anciennes : l’expansion militaire japonaise en Chine, massive depuis 1937, à laquelle s’ajoutent des heurts avec l’URSS (en 1938, et en 1939 en Mongolie), avec l’Angleterre (en 1939, à Tien Tsin), avec la France (en 1940, au Tonkin). Bref, le Japon cherche à étendre son empire colonial.
Jusqu’en juin 1941, la « guerre froide » se fonde sur un modus vivendi . Le Japon menace, mais agit peu. Il n’exploite que très modérément l’affaiblissement des métropoles européennes, consécutif aux succès de Hitler. En face, des sanctions économiques sont prises par les États-Unis, voire par les Indes néerlandaises (actuelle Indonésie), mais aucune d’entre elles ne constitue un casus belli .
Ce qui domine donc, c’est un attentisme primordial, tandis que le conflit « mondial » se focalise en Europe de l’Ouest et en Méditerranée. Même l’« alliance »tripartite qui, depuis septembre 1940, lie le Japon à l’Axe (Allemagne et Italie) ne modifie pas cette attitude. Généraux et amiraux savent qu’ils ne peuvent combattre ni l’URSS sur terre, ni l’Amérique sur mer.
Leurs rhétoriques martiales sont à usage interne : comment obtiendraient-ils des crédits s’ils avouaient qu’ils ne veulent pas l’aventure ? Ce n’est pas d’une extension de la guerre « mondiale », mais plutôt de son confinement que le Japon attend le plus de bénéfices.
Or toutes ces données s’effondrent le 22 juin 1941 avec l’attaque allemande de l’URSS. Il faut tout repenser.
Dix jours plus tard, le Japon décide d’occuper le sud de l’Indochine française. Pour le Japon, cette « avance vers le sud » n’est nullement le prélude à une guerre contre les Empires britanniques et néerlandais. Elle est tout d’abord une action à usage interne : elle supprime la possibilité d’une attaque vers la Sibérie, à laquelle songeaient les fervents de l’alliance allemande, et que la marine japonaise refusait obstinément. Surtout, au sud, elle n’implique nullement une menace directe contre les positions anglo-américaines jugées vitales.
Le sud de la péninsule Indochinoise apparaît à tous les réalistes comme une fin en soi, nullement comme un point de départ. L’idée de minimiser l’implication du Japon dans le conflit mondial était dominante chez tous les dirigeants japonais. Le choix de l’Indochine l’emporta parce qu’il était potentiellement le moins conflictuel. Encore eût-il fallu être compris de l’étranger…
Démesurée fut donc la riposte des États-Unis et de leurs alliés anglais et néerlandais. Ici trois explications sont possibles. En premier lieu, la tendance des
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