Le Japon
dirigeants américains à croire que des institutions ou desidéologies communes impliquent une coordination des actions : ici, entre Berlin et Tokyo.
En deuxième lieu, la cohérence intérieure du gouvernement Roosevelt était aussi faible que celle du système de décision japonais 39 . L’embargo pétrolier mis en place le 1 er août 1941 en réponse à l’invasion du sud de l’Indochine ne devait pas être total à l’origine. Mais Dean Acheson, qui en reçut la responsabilité, en fit une arme absolue, afin de conduire le Japon vers une capitulation qu’il estimait raisonnable. Sans la guerre.
Il est possible que le président Roosevelt et le secrétaire d’État Cordell Hull ne l’aient appris que plus tard : le fait demeure qu’ils ne firent rien pour rechercher un compromis. C’est qu’en dernier lieu, délaissant un accord partiel et provisoire avec le Japon, les États-Unis ne cessèrent d’accroître leurs exigences (retrait de l’armée japonaise de l’Indochine, puis de la Chine), en échange d’un rétablissement du commerce pétrolier qui devait demeurer sous leur contrôle 40 . Peut-être n’est-il pas nécessaire de scruter la psychologie de Roosevelt pour y découvrir un machiavélisme maîtrisé. La cascade d’erreurs de jugements, la complexité des décisions suffisaient à rendre presque inévitable Pearl Harbor.
Le Japon sous-estima la réaction américaine. Les États-Unis surestimèrent la menace japonaise. Rares étaient ceux qui, dans l’un et l’autre camp, voulaient ouvertement la guerre. Mais la brutalité du blocus pétrolier unifia les dirigeants japonais, tout comme l’attaque sur Pearl Harbor balaya l’opposition neutraliste américaine.
Cette symétrie cependant est de façade. L’Amérique, en imposant l’embargo sur le pétrole, réagit à un danger hypothétique, géographiquement mal délimité. Le Japon, dès le 1 er août 1941, eut à se prémunir contre un étranglement bien réel, quoique à effet différé : sans ressources en carburant, il s’acheminait vers la paralysie totale de sa marine et de son aviation. S’il se refusait à la perte de son indépendance – laquelle survint par la défaite en 1945 –, et militairement de son honneur, il ne lui restait qu’à choisir les moyens et le lieu du combat.
On put se demander, après la guerre, si une voie médiane n’aurait pas mérité d’être explorée : une simple prise de contrôle des bassins pétroliers des Indes néerlandaises. La question avait déjà été posée à l’été 1940, et c’est la marine japonaise qui s’y était refusée, arguant de la fragilité des communications à préserver. Un an plus tard, le gouvernement Roosevelt aurait-il pris l’initiative d’une riposte armée ?
Évidemment aucune réponse n’est possible. Mais le médiocre résultat de Pearl Harbor pour le Japon ne permet pas d’écarter la question.
Notes
39 . Selon l’étude de Jonathan G. Utley, Going to War with Japan, 1937-1941 , The University of Tennessee Press, 1985.
40 . Michael A. Barnhart, Japan prepares for total War , Cornell University Press, 1987.
Les Kamikazes
En mettant hors de combat la flotte américaine du Pacifique lors du bombardement de la base aéronavale de Pearl Harbor, sur l’île d’Hawaii, le 7 décembre 1941, le Japon peut, sans craindre de menaces sur son flanc, se lancer à la conquête du Sud-Est asiatique. Dans une folle ruée, les forces impériales volent alors de succès en succès. Les Philippines sont prises le 10 décembre 1941, Hongkong, le 25 décembre. L’Indonésie tombe à son tour dès janvier 1942, Singapour, le 15 février, et, le 8 mars, les troupes impériales pénètrent dans Rangoon. En moins de trois mois, le Blitzkrieg nippon a permis la conquête de la moitié du Pacifique.
Pourtant, la réplique américaine, lors notamment de l’offensive dans la mer de Corail, en mai 1942, suivie en juin de la bataille de Midway, où les États-Unis remportent un large succès, arrête la progression des Japonais et amorce leur reflux. Le rouleau compresseur américain est en marche, et rien ne l’arrêtera plus.
Au printemps 1944, on voit se multiplier les actes suicidaires de la part des Japonais : charges désespérées des officiers n’ayant pu mener leurs troupes à la victoire, suicides individuels par seppuku (hara-kiri), selon le code d’honneur des guerriers samouraïs au Moyen Âge, mais aussi suicides collectifs.
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