Le Japon
gravement malade, se détériore. Il apparaît comme évident que Hiro-Hito aura à remplir plus tôt que prévu son rôle de souverain. Il est grand temps qu’il se trouve une épouse. Son choix s’arrête sur Nagako, fille du prince Kuni, de la famille de Fushimi : un choix qui mécontente le clan rival des Chôshû, qui cherchera à évincer la jeune fille au motif que sa famille compte de nombreux cas de daltonisme, et déclenche à la cour, comme dans les milieux politiques, une querelle qui durera plusieurs années. Le mariage est différé… On décide donc d’envoyer le prince héritier faire un voyage en Europe !
Hiro-Hito a vingt ans, et il quitte pour la première fois son sol natal ainsi que l’étouffant rituel de la cour. Cequi l’impressionne le plus une fois arrivé en Angleterre, sa première étape, c’est la liberté de manières de la famille royale : le jour de son installation au palais de Buckingham, il est tout étonné de voir apparaître, à l’heure du breakfast , le roi George V en robe de chambre et en pantoufles. En outre, il apprécie la spontanéité avec laquelle la foule se presse sur son passage.
En France, Hiro-Hito s’entretient de la Grande Guerre avec le vainqueur de Verdun, le maréchal Pétain, et parcourt le champ de la bataille. Une fois à Paris, il visite la tour Eiffel, le Louvre et surtout les Invalides ? il rapportera de son voyage un buste de Napoléon destiné à trôner dans son bureau. Le prince héritier se rend ensuite en Belgique, aux Pays-Bas, puis, enfin, s’arrête à Rome, où il est reçu par le pape.
Le futur empereur apprécie tellement son voyage en Europe qu’à son retour à Tokyo il décide d’« occidentaliser » la cour, devenant ainsi pour un temps un mobo (« modern boy ») , du nom de ces jeunes Japonais qui s’entichent des mœurs du Vieux Continent. Il abandonne le costume traditionnel et se met à la mode européenne en même temps qu’il adopte le breakfast à l’anglaise. Les « dames d’honneur » sont renvoyées du palais, dans l’enceinte duquel on construit un golf à neuf trous. Hiro-Hito fréquente aussi les champs de courses et les boîtes de nuit… La cour, en état de choc, se résout à faire appel au vieux prince Saionji, dernier conseiller personnel permanent de l’empereur Taishô : celui-ci est chargé de remettre bon ordre dans le palais.
Le 25 novembre 1921, juste après son retour d’Europe, la maladie de Taishô étant jugée incurable, Hiro-Hito devient régent du Japon. Il doit aussitôt faire face à une série de difficultés. L’année 1923 est en effet catastrophique pour le pays. Le 1 er septembre survient le plus terrible tremblement de terre de son histoire, qui fait 150 000 victimes et dévaste une grande partie de la capitale ? un drame qui permet cependant à Hiro-Hito de gagner en popularité en distribuant aux rescapés de l’argent sorti de sa cassette personnelle. Peu après, les Coréens, qui constituent la main-d’œuvre la plus misérable du pays, sont traités comme des boucs émissaires, et des milliers d’entre eux, exterminés. Enfin, le 27 décembre, Hiro-Hito est victime d’une tentative d’assassinat de la part d’un révolutionnaire socialiste. Aucun complice n’est arrêté, et il sera impossible de déterminer s’il y a eu complot.
Le mariage de Hiro-Hito et de Nagako a finalement lieu le 26 janvier 1924. Les trois premiers enfants du couple seront des filles, et Hiro-Hito devra de nouveau affronter la cour qui le pressera de prendre une concubine pour assurer sa descendance mâle. Mais le 26 décembre 1933, l’impératrice lui donnera un fils, l’actuel empereur Akihito.
Le 18 décembre 1926, Taishô meurt. Hiro-Hito lui succède officiellement.
Le culte de l’empereur a été réactivé sous Meiji : il est devenu le symbole de la nation et de sa pérennité. Quant à la Constitution de 1889, elle érige en principe son infaillibilité : on ne saurait, pour quelque raison que ce soit, chasser de son trône le tennô (« souverain céleste ») , qui n’est d’aucune façon soumis aux lois. La Constitution affirme également la filiation divine de l’empereur. Celui-ci est le chef de l’État et possesseur de tous les droits de souveraineté. Il nomme les ministres du cabinet qui ne sont responsables que devant lui. Les ministres sont issus des quatre clans du Sud qui ont pris l’initiative de la révolte contre le Shogun et
Weitere Kostenlose Bücher