Le Japon
au sanctuaire Yasukumi où sont honorées les âmes des soldats morts au combat, y compris des criminels de guerre.
La dignité impériale, le nationalisme… C’est bien avec ce passé-là qu’entendent aujourd’hui renouer certains Japonais. Un passé que, plus que quiconque, incarne Hiro-Hito. Celui qui, le 25 décembre 1926, après s’être recueilli auprès des mânes de ses ancêtres, devient le cent vingt-quatrième empereur du Japon, est en effet l’héritier d’une dynastie dont l’origine légendaire remonte à deux mille six cents ans, le descendant des dieux ancestraux et le grand prêtre de la religion shintô , en tant que petit-fils de l’empereur Meiji.
Mais c’est sous son règne que fut accomplie la rapide militarisation du régime qui aboutit à la guerre sans merci que lança l’Archipel contre la Chine à partir des années 1920, puis contre les États-Unis en 1941. D’où la lancinante question de la responsabilité de l’empereur dans le déclenchement du conflit et dans la conduite des opérations.
Le même Hiro-Hito encore qui, ayant survécu à la défaite du Japon en 1945, se métamorphosera en un « empereur constitutionnel » révéré par son peuple bien qu’ayant perdu son caractère divin, respecté à l’étranger, et qui accompagnera son pays dans le spectaculaire redressement économique des années d’après-guerre. Quel est finalement cet homme qui aura présidé au plus grand revers qu’ait connu le Japon, tout autant qu’à sa plus grande réussite ?
Hiro-Hito, qui naît le 19 avril 1901, est, dès son plus jeune âge, selon la coutume, élevé loin de ses parents, Taishô, l’héritier du trône, et la princesse Sadako. Il loge en effet dans une petite maison indépendante du palais d’Akasaka, où il reste pratiquement ignoré de sonpère comme de son grand-père. Ses seuls compagnons de jeu sont des adultes ; il devient un enfant solitaire et renfermé. D’autant qu’on le force à se soumettre à des exercices physiques destinés à corriger certains de ses défauts, comme la myopie, et une scoliose qui ne le quittera jamais.
Très tôt, toutefois, Hiro-Hito refuse de se plier à certaines mœurs de la cour. L’ivrognerie, par exemple, y est particulièrement répandue ; en réaction, le jeune homme s’interdit de toucher une seule goutte d’alcool. De même, son grand-père et, surtout, son père sont très libertins et entretiennent de nombreuses concubines ; dès l’adolescence, Hiro-Hito, lui, choisit de rester chaste ? il sera le premier empereur monogame de l’histoire du Japon.
L’éducation du prince est assurée par le général Nogi, héros de la guerre contre la Russie (1904-1905). C’est lui qui aide le futur empereur à prendre confiance en soi, à sortir de son mutisme et à développer son corps. Le général, qui méprise les plaisirs de la chair, influence sans doute Hiro-Hito sur ce chapitre-là, en même temps qu’il lui apprend le patriotisme. À la mort de l’empereur Meiji, Nogi se suicide par seppuku , ce qui impressionne fortement le jeune garçon. Par la suite, l’héritier officiel du trône reçoit l’enseignement de différents précepteurs. Il se passionne moins pour les réflexions théoriques que pour la biologie marine : ce sera, sa vie durant, l’un de ses passe-temps favoris. Il découvrira des espèces rares, parmi lesquelles une crevette rouge bientôt signalée au monde scientifique.
Pendant que Hiro-Hito grandit, et alors que, en 1912, son père, l’empereur Taishô, succède à Meiji, le Japon fait l’apprentissage de son rôle de grande puissance. Durant la Première Guerre mondiale, le pays se range dans le camp de la Grande-Bretagne, de laFrance et de la Russie, sans d’ailleurs leur apporter un soutien très important. Cette prise de position permet toutefois à l’Archipel d’occuper, après la fin du conflit, les territoires du Pacifique auparavant contrôlés par l’Allemagne, la puissance vaincue 55 . Mais, lorsque les dirigeants du pays cherchent à pousser leur avantage et à imposer la tutelle du Japon sur la Chine à travers les « vingt et une demandes » 56 , les puissances occidentales interviennent pour les en dissuader.
Cette intervention est perçue comme une injustice par les Japonais, et déclenche une vague de nationalisme dont les militaires sauront profiter pour renforcer leur emprise sur le pays.
Dans le même temps, l’état de Taishô, qui est
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