Le Japon
de la réforme Meiji.
L’empereur exerce son pouvoir législatif avec le concours du Parlement (la Diète). Le Parlement discute et approuve le budget, et surtout a le pouvoir de faire les lois. Mais seul l’empereur déclare la guerre et la paix, et ratifie les traités. En fait, depuis le règne de Taishô, le processus décisionnel est du ressort des ministres en place, et les deux personnes les plus importantes de la vie politique sont les chefs d’état-major de l’armée de terre et de la marine. Par leur biais, les militaires, eux-mêmes à l’abri de tout contrôle de la part du Parlement, interviennent dans la formation des gouvernements et, plus largement, dominent la vie politique du pays.
Ici commence le procès que l’histoire fera à Hiro-Hito. En effet, alors que le pays s’est ouvert, modernisé, démocratisé (le suffrage universel est instauré en 1925 ; il exclut les femmes qui n’obtiendront le droit de vote qu’en 1945), libéralisé, on assiste à partir de 1926 à un dérapage qui conduit progressivement certains groupes nationalistes à militariser le pays, imposer la censure et éliminer les libéraux, confortés qu’ils sont par la vague de sentiments hostiles au Parlement et à l’industrie née après la crise économique de 1927 ? antérieure à la grande dépression mondiale.
Ces groupuscules s’appuient sur le caractère divin de l’empereur pour parler en son nom. Pourquoi Hiro-Hito les laisse-t-il agir ? La question n’a toujours pas reçu de réponse. Elle est pourtant d’autant plus pertinente que l’empereur saura faire montre, quelques années plus tard, et au cours d’une crise autrement plus grave, de l’étendue de son pouvoir et de ses capacités de décision.
Après quelques hésitations, Hiro-Hito autorise la guerre
Ce sera en février 1936. Le 26 de ce mois, date connue par les Japonais sous le nom de ni ni roku (ni signifiant « février » et ni-roku « 26 »), une faction militaire dite « de la voie impériale » tente, en se réclamant du souverain, un putsch visant à éliminer physiquement les membres les plus modérés du gouvernement.
Sont ainsi exécutés le garde du Sceau privé, le ministre des Finances et le chef d’état-major général de l’armée, tandis qu’en réchappent de justesse le Premier ministre et quelques autres personnalités de tout premier plan. Les insurgés occupent la Diète, le ministère de la Défense, le quartier général de la police. Finalement, au bout de trois jours de confusion, l’empereur prend les choses en main et obtient, non sans mal, la reddition des insurgés. Ceux-ci sont condamnés à mort, tandis que 2 000 officiers sont cassés. Hiro-Hito, nullement dupe de l’utilisation qu’une fraction de l’armée fait de son nom, est donc, dans cette occasion, sorti de sa réserve habituelle, opposant une ferme résistance à tout compromis 57 .
Cet échec du putsch ne marque cependant pas la fin de l’influence des groupes nationalistes sur le pays. En 1935, le Premier ministre, Okada, qui est loin pourtant d’être un fanatique, accepte de faire passer une loi punissant toute mise en doute de la nature divine de l’empereur et toute infraction à la règle qui veut que l’on s’incline en passant devant le palais d’Akasaka. C’est une victoire pour les nationalistes, qui prônent l’idéologie du kokutai (le « service total pour l’empereur »). Leur triomphe éclate au grand jour lorsque, le 27 septembre 1940, Hiro-Hito accepte de signer le pacte tripartite avec l’Allemagne de Hitler et l’Italie de Mussolini 58 .La classe militaire mobilise la nation derrière une politique totalitaire et guerrière.
Après les conquêtes en Chine, c’est une partie de l’Indochine qui est soumise : désormais, l’empire du Japon s’étend de la Birmanie à la Nouvelle-Guinée. Ce n’est pas suffisant : le 7 décembre 1941, l’attaque surprise de la flotte américaine ancrée à Pearl Harbor par l’aéronautique navale japonaise déclenche la guerre avec les États-Unis. En 1942, c’est Singapour qui tombe, puis Java et les Philippines. Or, comme on l’apprendra grâce au journal personnel de Kido, son ministre du Sceau privé, et contrairement à ce qu’on pourra dire par la suite, Hiro-Hito, à qui toute décision doit être soumise, est parfaitement au courant de l’avancée des opérations militaires. En fait, après quelques hésitations motivées avant tout par
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