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Le Japon

Le Japon

Titel: Le Japon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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à coups de canon, et les laissa même s’infiltrer progressivement dans le royaume des Ryûkyû. Et dans plusieurs fiefs, on lança des politiques volontaristes d’acquisition des savoirs occidentaux, pour renforcer la puissance du pays.
    Quel bilan tirer de cette longue période ? À partir de l’ère Meiji, la querelle sur les bienfaits ou les méfaits supposés de la « fermeture du pays » fit rage dans le monde intellectuel : les controverses historiques servaient d’arguments pour des considérations idéologiques sur le caractère plus ou moins « attardé », ou plus ou moins « original », du Japon par rapport à la civilisation occidentale. Mais ces débats se sont à présent apaisés. Le Japon ne fut pas aussi fermé au monde extérieur qu’on l’a prétendu, et l’archipel s’avéra beaucoup plus réceptif aux évolutions du reste du monde que son voisin coréen par exemple. C’est pour cette raison que certains historiens japonais préfèrent utiliser le terme d’« ouverture sélective ».
    Il n’en reste pas moins vrai que l’environnement créé par le sakoku , en façonnant les mentalités à un moment clé de la construction nationale, devait avoir une influence profonde sur les représentations que les Japonais se faisaient, et continuent dans une certaine mesure à se faire, de leur identité. Les Tokugawa, grâce à leur contrôle sur les relations extérieures, avaient pu imposer la fiction d’un monde centré sur le Japon, confirmant par sa stabilité le caractère exceptionnel du « pays divin » et de ses dirigeants.
    L’irénisme qui prévaut parfois de nos jours dans la réévaluation du sakoku et de la « Grande Paix » des Tokugawa ne doit pas en camoufler les aspects moins positifs. L’exaltation chauvine de la supériorité du Japon cultivée dans le contexte de la fermeture du pays finit par déboucher, à la fin du shogunat, sur l’éclosion de la mouvance xénophobe des partisans de l’« expulsion des barbares » après l’ouverture des ports dans les années 1850-1860. Ce furent ces mouvements qui entretinrent une agitation terroriste contre les étrangers « bestiaux » et les dirigeants shogunaux.
    Quant à la conviction du caractère unique, mais toujours menacé, du peuple nippon, elle continua à irriguer à des degrés divers le nationalisme du Japon, même après son adoption de la civilisation occidentale ; sous ses formes les moins virulentes, elle alimente toujours un fort atavisme insulaire et particulariste dans la population.

    Et pourtant… Dans la nuit du 25 avril 1854, alors que mouillait à Shimoda l’escadre du commodore Perry qui venait de signer le premier accord entre les États-Unis et les autorités shogunales pour une timide ouverture de l’archipel, les marins américains eurent la surprise de recevoir la visite clandestine de deux jeunes Japonais. Il s’agissait de guerriers qui se déclarèrent résolus à violer les lois de leur pays pour s’embarquer sur les navires étrangers et partir à la découverte du monde.
    L’un de ces samouraïs téméraires était Yoshida Shôin, penseur confucéen et ardent patriote, qui devint, après l’échec de cette tentative d’évasion de l’archipel, l’une des grandes sources d’inspiration des activistes xénophobes : plusieurs tombeurs des Tokugawa et des hommes d’État de premier plan de l’ère Meiji se formèrent à son école. Ses prêches et ses menées contre la politique étrangère et les dirigeants du shogunat poussèrent le gouvernement d’Edo à le faire exécuter en 1859, à l’âge de 29 ans. En dépit de son nationalisme intransigeant, ce même Yoshida Shôin ne renia pas son désir de voyages ultramarins, justifié selon lui par la nécessité de mieux connaître l’étranger pour pouvoir lui résister efficacement.
    Il s’expliquait ainsi dans ses Suppléments aux conférences sur le Mencius (1855-1856) : « Cependant je pense que l’artillerie, les navires de guerre ou la médecine des barbares, leurs études astronomiques ou géographiques, tout cela est d’une grande utilité pour notre pays, et que nous devrions les introduire chez nous en masse. […] Lorsque les sages souverains du passé prenaient des hommes à leur service, ils ne rejetaient pas d’autres sages sous prétexte qu’ils étaient des barbares. »
    Crainte devant l’Occident, mais en même temps fascination pour ses savoirs ; amour de la patrie, maisaussi

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