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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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Je ne la laisserai pas faire. Nous allons nous battre ensemble, Églantine. Tu es d’accord ?
    Elle fit un faible signe d’assentiment. Il expliquait tout ce qu’il savait, tandis qu’il tamponnait doucement, sans aucun signe de dégoût, chaque tumeur avec le fragment de tissu froid. Les bosses de l’aine étaient déjà noires et légèrement suppurantes.
    — À l’Hôtel-Dieu, j’ai entendu dire que le roi Philippe a ordonné aux médecins de Paris d’écrire un gros livre tout plein de remèdes contre la peste. Ils en ont même nommé quelques-uns devant moi. Des émeraudines*. J’en ai ! Je suis allé au bois en chercher.
    Églantine ferma les yeux. Il poursuivit :
    — Les cordeliers ont un très vieux livre qui appartenait à une commanderie templière. Les Templiers ont voyagé dans des terres foraines*, tu sais, là où les maisons sont toutes en or et où il pousse des oranges dans les arbres. Tu n’as qu’à étirer le bras pour en cueillir, tu te rends compte ?
    Louis était pleinement conscient qu’il parlait d’abondance pour éviter de prêter trop d’attention aux râlements d’Églantine et aux stries qui apparaissaient sur son visage.
    — Le roi veut faire interdire de tuer les chats parce qu’il paraît que les rats propagent la morille, tout comme les pouties* et l’eau sale. Plus tard, je laverai ta chambre à l’eau de rose si tu en as. Sinon, j’ai du vinaigre ; cela convient aussi. Et il te faudra des jonchées d’herbes spéciales. Je saurai trouver, ne t’inquiète pas.
    — Je t’aime, Louis. Je n’ai plus peur, puisque tu es là.
    Églantine lui prit la main et lui sourit. Il essaya de sourire à son tour.
    — Ils ont dit que les purges et les saignées n’aident pas. Mais le plus difficile sera de te débarrasser de ces grosseurs. Le temps presse. Acceptes-tu mon aide, ma mie ?
    Elle ne répondit pas et tira un peu sa main vers elle.
    — Il n’y en aura pas pour longtemps. Après, on s’en va chez les moines.
    Il prit une alêne dans sa besace. Églantine se mit à hurler dès la seconde où elle en sentit le picot. Il se hâta d’éponger un flot de liquide verdâtre et putride.
    — Voilà. Il y en a déjà une de partie, ma mie. Déjà une. Hardi !
    Frissonnant, il portait déjà l’alêne sur le second bubon, mais une main faible, résignée, se posa sur son bras. Convulsée, Églantine tira à nouveau sa main vers elle et la posa sur son abdomen un peu enflé.
    — Tu as mal au ventre ?
    Églantine ne répondit pas. Son teint était passé du rouge au blanc cireux. Seules des marbrures presque écarlates étaient demeurées. Il sembla à Louis qu’elles s’assombrissaient. Il n’était plus question d’attendre davantage. Il la couvrit de son aumusse et la souleva aisément. Elle ne pesait guère plus qu’une enfant.
    Louis courut à travers Paris qui n’existait plus. La grande aumusse masculine dont la jeune femme était enveloppée amplifiait sa vulnérabilité. Il y avait trop de taches. Trop de taches partout pour que la scène n’évoque pas un meurtre. Il n’eut que vaguement conscience de croiser, à quelques reprises, de petits groupes de gens affolés qui leur lancèrent toutes sortes de projectiles en criant :
    — Au fou ! Morille* ! Morille !
    Louis trébucha contre les rigoles où flottaient des rats morts qui tournaient leur panse gonflée vers le ciel.
    — Tiens bon, ma mie. On y est presque, suppliait-il à intervalles réguliers, le souffle court.
    Sur le rebord d’une fenêtre, il eut le temps d’apercevoir une plante en pot qui achevait de faner. Cela lui rappela le muguet précoce d’un mars déjà lointain.
    — Le monastère est là, mon aimée. Juste devant. Je vois la porte.
    Églantine émit un gargouillis. Des bulles de sang noirâtre lui affleurèrent aux lèvres.
    En vain, Louis s’écorcha-t-il les jointures contre la même porte qui lui avait un jour refusé l’entrée de l’abbaye pour un autre être aimé. Les portes des hôpitaux où il se rendit demeurèrent elles aussi fermées.
    On n’ouvrait plus aux morts.
    *
    Des ombres silencieuses se dérobèrent sur leur passage jusqu’aux portes de la ville. Ces ombres n’étaient personne. Il n’y avait pas de gens. Seulement des morts en sursis. Tout n’était plus qu’un bouillonnement d’existences sans perspective, flottant déjà comme des cendres vivantes jetées sur l’onde.
    Louis franchit les portes avec Églantine dans

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