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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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surpris de voir au-dessus de lui les penailles* noirâtres d’un grand chêne. Le feuillage de ces arbres, habituellement d’un beau roux cuivré en hiver, ressemblait à des chauves-souris déchiquetées et noires qui bruissaient au bout des branches.
    Louis ferma les yeux et s’endormit.
    Au bout d’un moment, pour une raison connue de lui seul, le soleil fatigué se hâta de récurer la neige, et les anges apparurent.
    Il devait y en avoir une vingtaine au moins. Celui qui marchait en tête était blond et beau comme le soleil qui s’était manifesté pour lui. Il portait une crosse surmontée d’une croix effilée. Sa longue robe était aussi frappée d’une croix rouge comme le tabard d’un Templier de jadis. D’autres croix rouges apparaissaient, sur des chapeaux ou sur des manches, parmi la masse mouvante de ces anges qui traversaient la clairière et s’avançaient dans sa direction en chantant un hymne d’une voix fervente. Louis s’était réveillé. Encore somnolent, il les regarda approcher d’un œil vide, sans étonnement ni curiosité, car il avait dépassé le stade de l’émerveillement ou de la peur. Malgré les brumes de l’inconscience qui doucement lui enveloppaient l’esprit, il sentit que quelque chose n’allait pas. Certaines voix chevrotantes n’étaient pas vraiment agréables à entendre. Était-il possible que des anges chantent faux ?
    Louis se sentit entouré de présences silencieuses. Quelques-unes seulement s’avancèrent prudemment jusqu’à lui. Une odeur épouvantable le contraignit à tourner la tête. Il vit une bure attachée par une corde de chanvre, des pieds couverts de croûtes et chaussés de sandales éculées, des formes s’appuyant sur des baliveaux récemment écorcés dont l’aubier luisait comme s’ils avaient été enduits de miel. Les anges de Dieu étaient-ils donc des moines ?
    — Il n’a pas l’air commode. Tu crois que c’est la morille, Godefroy ? demanda une voix masculine.
    — Ça m’étonnerait. On dirait plutôt qu’il est en train de se laisser crever de froid.
    L’ange blond s’accroupit et dit :
    — Eh bien, mon fils, que fais-tu là tout seul à noqueter* de la sorte ?
    L’adolescent leva péniblement les yeux le long de la crosse qui se terminait par la poigne velue d’un bûcheron et une croix d’allure bizarre. Il lui sembla aussi que ces visages hirsutes, crasseux, ne pouvaient appartenir à des anges du bleu paradis. Et ils sentaient mauvais. L’homme à la crosse posa sur lui son regard analytique de meneur.
    — Quel est ton nom ?
    — Ne savez-vous pas qui je suis, puisque vous venez me quérir ? Les membres du groupe s’entre-regardèrent, un instant interdits. L’homme à la crosse sourit d’un air moqueur.
    — Bien sûr, bien sûr, mon fils. Nous venons te quérir. Je suis Magister. Et voici mes ouailles. Sois le bienvenu parmi les nôtres.
    — Où sont vos ailes ? demanda l’adolescent d’une voix lente, pâteuse.
    Il n’arrivait pas à garder les yeux ouverts.
    — Ce mendiant déraisonne, dit une voix de femme.
    Magister se retourna et dit :
    — Un instant, ma belle. Moi, je le trouve au contraire très lucide. Tout sourire, il s’adressa à Louis :
    — Nous ne sommes pas des anges, mon fils. Pas encore. Mais nous en deviendrons bientôt. Je suis un presbytérien* qui a renoncé à la vanité de ce monde pour sauver des âmes perdues comme la tienne. La nef de mon église est désormais le ciel étoile, et ma chasuble est un cilice. Je partage la misère des humbles. Viens partager ta misère avec tes frères. Dis-moi ton nom.
    — Louis. Fatigué…
    — Laisse-nous conduire ta destinée, Louis-Fatigué. Nous nous occupons de tout.
    Ce disant, Magister souleva la besace de l’adolescent en glissant le bout de sa crosse dans la courroie. Il la tendit en direction du groupe. Le sac disparut entre des mains avides. Magister expliqua :
    — Tu vas désormais partager tes effets avec nous, qui sommes ta nouvelle famille.
    — Faut que je dorme un peu. J’ai très sommeil.
    — Allons, allons, mon fils. Ce n’est pas le temps de dormir. Tu viens avec nous. Il faut en outre te préparer à la cérémonie d’accueil. En route. Que caches-tu là, sous ta tunique ?
    — Rien.
    — Ne mens pas à ton maître, Louis. Mentir est une faute très grave que tu devras expier pour sauver ton âme.
    L’homme lui assena sur l’épaule un coup de crosse qui le contraignit à

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