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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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Desdémone se releva.
    — Ça, tu vas le regretter, c’est moi qui te le dis.
    Elle sortit en laissant les pans de la tente ouverts.
    *
    Sa menace eut l’effet qu’elle avait escompté. Un peu plus tard en soirée, Magister demanda qu’on lui amenât Louis. L’adolescent fut contraint de venir s’asseoir au coin du feu, entre Firmin et lui.
    — T’es son père, toi ? demanda avec mépris la bouche écarlate, comme blessée de Desdémone, dont les lèvres étaient sûrement peintes.
    Elle triturait une chique énorme {59} .
    — Alors, petit, ça va mieux, on dirait. Voyons cela.
    Le faux prêtre retroussa sa chemise.
    — Pas mal. Tu as fait du beau travail, Godefroy. Bien, Louis, il est temps que tu reprennes la place qui t’est dévolue. Moi, j’ai besoin de ma tente. Dès ce soir, tu retourneras dormir avec les autres.
    Occupée à servir, Clémence offrit à son frère par alliance un regard compatissant.
    — Il y a la litière, fit remarquer la prétendue marraine de Louis. Magister mordit pensivement dans un morceau de viande rôtie qui avait l’air d’être du lièvre. Firmin dit à Louis :
    — Chaque chose à sa place. Tu voulais la mienne et tu as tout perdu. Fais-toi donc une raison. Tu es fait comme un rat dans une nasse.
    Louis garda les dents serrées sur toutes les insultes qu’il aurait souhaité lui lancer.
    — Je n’ai pas tout perdu. Il me reste le plus important.
    — Ah oui ? Quoi donc ?
    — Vous le savez très bien, quoi.
    — Dis toujours.
    — Le levain. C’est moi qui l’ai emporté. Pas vous.
    — Peut-être bien, mais tu ne l’as plus.
    Firmin haussa les épaules avec indifférence.
    — Et il doit être gelé, à l’heure qu’il est.
    — Quoi, vous ne l’avez pas sur vous ?
    — Ta gueule. Tout le monde est en train de crever. En ville et au-dehors et partout. À quoi ça nous servirait, cette saleté de levain ? Alors, ta gueule.
    Magister intervint :
    — Toute réflexion faite, Desdémone a raison. Tu me parais assez remis, puisque te voilà à nouveau capable de contester l’autorité paternelle. Il n’est donc plus question de te faire trimballer comme une mauviette par tes compagnons, c’est compris ? Ils ont trop à faire. Tu marcheras. Et gare à ton dos, car nos lanières continueront à stimuler les retardataires sans distinction.
    Louis ne dit rien. Il se sentait encore fiévreux et espéra qu’il pourrait s’en tirer sans plus de dommages en attendant de pouvoir fuir. Il aperçut Desdémone qui lui sourit innocemment. Il ne put en supporter davantage et dit :
    — Bon, je m’en vais dormir tandis que j’en ai encore le droit.
    Louis se leva lentement et tituba sans aide jusqu’au bienheureux anonymat du groupe qui s’était fondu pour la nuit dans l’obscurité.
    Personne ne le rappela. Il préférait de loin la compagnie de ces misérables à celle, fielleuse, des dirigeants de la secte, ou aux désirs envahissants de Desdémone. Parmi eux, au moins, il allait pouvoir fermer les yeux et, par un effort minime d’imagination, enfouir son visage malpropre au creux de la poitrine parfumée d’Églantine.
    Magister le regarda partir et jeta un coup d’œil affectueux derrière lui au soi-disant moine dont les stigmates avaient été bandés avec des bouts d’étoffe tachés. Le Saint montait la garde, assis sur un rocher. Pendant un long moment, Louis l’observa en silence. L’homme entretenait lui-même ses plaies en se gratifiant de grandes rasades d’eau-de-vie pour tenir le coup. Il les incisait avec d’infinies précautions à l’aide d’une lame très fine imbibée d’alcool. Un peu d’eau de rose frottée autour de ses plaies, et le tour était joué.
    Firmin s’était installé avec Clémence qu’il était allé chercher. Il discutait en mâchant longuement le repas qui lui avait été offert et en prenant grand soin de ne pas gaspiller la moindre parcelle de viande. Son regard restait accroché à la place laissée vacante par son fils.
    — Magister ne l’a pas manqué, on dirait. Un peu plus et il avait les os à l’air comme ça, fit-il remarquer en brandissant sa cuisse de volaille à demi dévorée.
    L’homme ventripotent avait écarté les jambes et fait asseoir entre elles sa belle-fille. Il la forçait à s’appuyer contre lui en lui triturant un mamelon qu’il avait mis à nu. La jeune fille résignée se laissait faire. Elle suivait cependant d’un œil avide la main de son geôlier

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