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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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il prit appui contre un arbre pour ne pas trébucher sur le sol inégal.
    Un peu de viande achevait de rôtir sur une branche écorcée posée sur deux fourches grossières fichées dans le sol. « Ça doit être aux gardiens », se dit-il en regardant à nouveau la viande crue, une sorte de gigot dont l’un des côtés était parsemé de fins poils noirs. Un couteau de pierre reposait à côté. Il était couvert de sang. L’homme chancela un peu.
    — Oh ! meeeerde !
    Au moment où il réalisait ce que c’était, un visage émacié surgit de l’obscurité. Un regard noir, glacial, se posa un instant sur lui. L’ogre brandissait une sorte de massue blanchâtre. Firmin recula, horrifié.
    — Non !
    Louis l’assomma avec un des bras du mort qu’il avait commencé à dévorer.
    *
    Godefroy et Firmin mirent peu de temps à retrouver Louis. Ils furent de retour au camp avant l’aube avec leur captif qu’ils transportaient, lié à un baliveau, comme un gibier ramené de la chasse. Le camp était sens dessus dessous. Plusieurs avaient vomi à la vue de l’horrible boucherie qu’il ne s’était même pas donné la peine de cacher. Il fut jeté à genoux devant Magister et contraint de s’incliner, face contre terre. Il ne résista pas.
    Magister n’était pas sans savoir qu’aucun châtiment, si cruel fût-il, n’allait plus atteindre une telle créature. Pour la première fois de sa vie, il se sentit dépassé par les événements qu’il avait lui-même provoqués.
    Peu avant le retour du fugitif et de ses gardiens, le chef de la secte avait appris de source sûre, à savoir quelques prisonniers fiables et un gardien, que Louis n’avait pas commis de meurtre. La victime, un homme assez âgé, était depuis plusieurs jours si gravement affaiblie qu’elle avait indubitablement péri de faim quelques heures avant que son corps ne fût partiellement dépecé. Il s’adressa à Louis de sa voix pleine de fiel.
    — Louis, oh, Louis… Moi qui t’ai recueilli et soigné, comment peux-tu faire une chose pareille ? J’en suis fort marri !
    Il fut accordé à l’adolescent de se redresser pour qu’il pût répondre. Il se contenta de rire. C’était tout ce que Magister méritait.
    — Faites-le taire, ce mécréant, fit le faux prêtre entre ses dents serrées.
    Louis roula sans bruit sous une grêle de coups de trique.
    — Qu’est-ce qu’on en fait, Magister ? On le tue ? demanda Godefroy.
    — Non. Ce monstre doit vivre et expier sa faute. Qu’il crève de faim. Séparez-le des autres aux repas.
    *
    Il s’étonnait d’être encore capable de reconnaître la voix aimée. Parfois, il était persuadé d’en distinguer le murmure parmi les bruits diffus qui parasitaient le camp. Il se tenait à la barrière entreclose du jardin, l’âme aux aguets. Elle était là, tout près, il en était sûr. « C’est là que je serai », lui avait un jour promis sa mère.
    Pour une fois, lorsque Desdémone se manifesta un soir, son rêve ne fut pas interrompu. Elle lui posa sur les épaules un vieux manteau. L’adolescent était adossé contre un arbre, séparé des autres, car c’était l’heure de la ration. Depuis trois jours, les gardiens ne se donnaient plus la peine de l’attacher : il demeurait prostré là où on le laissait et ne bougeait de sa place que lorsqu’on revenait le chercher.
    Il ne réagit pas immédiatement aux attentions de sa marraine. Il finit par poser sur elle un regard imprécis et déglutit. Ce fut tout. Elle lui caressa la joue. Il ne vit pas que les prunelles de plomb se remplissaient de larmes. Elle se releva et partit. Il ne bougea pas.
    Quelques minutes plus tard, elle était de retour avec Clémence. Toutes deux s’accroupirent auprès de lui. Desdémone lui prit la main. Le feu qui couvait sous les paupières de Louis s’était éteint.
    — Oh, Louis, pourquoi fallait-il qu’on en vienne là ? dit Clémence.
    — Le père, répondit-il péniblement.
    — On ne peut pas laisser faire ça. Louis, m’entends-tu ? demanda Desdémone.
    Le regard fixe et inexpressif, il fit un vague signe de tête.
    — Elle s’en vient. Je l’attends, dit-il.
    — Je… je ne comprends pas. Qui attends-tu ? demanda Clémence.
    Louis ne dit rien.
    — Il est en train de mourir, dit Clémence, des sanglots dans la voix.
    Desdémone s’adressa à lui, non sans une certaine douceur :
    — Jure-moi une chose, Louis. Jure-moi de me dire la vérité et je

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