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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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yeux.
    Les fanatiques dansaient toujours. Ils eurent à peine le temps de voir ce qui leur tombait dessus. Plusieurs furent désarmés avant même d’avoir eu le temps de réagir.
    — À mort ! À mort !
    Certains prisonniers plus faibles s’égaillèrent maladroitement dans la forêt sans demander leur reste. Une femme hystérique entreprit d’éventrer Godefroy à l’aide d’une pique. Mais la plupart se contentèrent de saccager le camp pour voler de la nourriture avant de prendre la fuite.
    Louis courut jusqu’à Godefroy qui gisait, inerte, et s’empara de sa dague volée qui datait des croisades.
    Desdémone s’était réveillée et avait roulé derrière un monument. Elle regarda son captif disparaître dans la tente de Firmin. Une ombre titubante passa au-dessus d’elle, traînant une crosse qui laissait dans la terre piétinée un sillage irrégulier. C’était Magister. Elle se laissa choir par terre et feignit d’être blessée. Le chef spirituel parvint à disparaître derrière un charnier sans être intercepté.
    Louis mit tout sens dessus dessous à l’intérieur de la tente. Même la paillasse éventrée ne révéla rien. Il haleta, désespéré.
    — C’est ça, que tu cherches ? demanda une voix derrière lui. Firmin s’avança et jeta un pot à ses pieds. C’était son levain.
    Louis fit front.
    — Tiens, le veautre* des fanatiques. Salaud !
    — Surveille ta langue, jeune insensé. Magister est un saint homme. Il nous a tous sauvés de la peste.
    — Vous avez abandonné la boulangerie…
    — Il n’y en a plus, de boulangerie. Fini ! Tout va bientôt brûler dans les feux de l’enfer. Il n’y aura plus personne pour acheter du pain. Tu ne comprends donc vraiment rien, toi, hein ? Ne vois-tu pas que c’est la fin du monde ?
    — J’ai essayé de quitter un enfer et vous m’avez fait retomber dans un autre.
    — Tais-toi, blasphémateur !
    — Que s’est-il réellement passé devant l’abbaye, Père ? Soudain mal à l’aise, Firmin chercha à éluder la question.
    — Tu n’es pas lépreux pour de vrai ?
    Louis se pencha pour ramasser le pot de levain et le mit sans y penser sous sa chemise. Il se retourna brutalement et fit face à son père. Firmin se cogna le nez contre sa poitrine et ce fut seulement à ce moment-là qu’il prit conscience de son infériorité. Le regard noir de l’adolescent vrilla le cœur de son père qui, éberlué, bavait un peu. Louis recula vers la sortie.
    — Attends. Où tu vas ? C’est toi qui es derrière tout ça ? Cette folie ?
    — Que vous importe ? Écoutez-moi bien : je vous jette un sort. Puisque c’est la fin du monde, je vous reverrai dans l’autre où, j’espère, vous serez à jamais tourmenté par Mère et par tous les petits que vous lui avez fait perdre.
    Firmin recula, livide. Il manqua de trébucher sur un piquet de la tente en sortant. Louis le suivit et dit :
    — Avez-vous la frousse, cher Père ? Vous avez bien raison. Attendez de voir ce que je vais vous faire.
    — Quoi ?
    — C’est votre tour, maintenant. Il faut expier. Pour Mère et moi. Il fit un pas en avant. Firmin s’appuya contre la toile de la tente et bredouilla :
    — Mais qu’est-ce que tu racontes ?
    — Vieux rat. Vous le savez. Pensez-y un peu. Le cuir à aiguiser votre rasoir, cela ne vous dit rien ? Et la ceinture ? Et le gourdin ? Si j’avais tout cela ici, comme je vous en ferais tâter. De la même manière que vous lui en avez fait tâter, à elle. À moi aussi. Je vous jure que ça vous rafraîchirait la mémoire. Mais qu’importe : mes poings me suffisent.
    Louis frappa dans la paume de sa main et écarta légèrement les jambes pour se mettre en position. Firmin transpirait abondamment. Il ne cherchait même pas à préparer sa défense. Il savait que c’était inutile, alourdi comme il l’était par un copieux repas trop bien arrosé. En dépit de tout ce qu’il avait subi, Louis demeurait grand, altier, impressionnant pour son âge. L’ancien boulanger n’en perçut que davantage sa propre médiocrité. Il dit, d’une voix fluette :
    — Écoute, Louis… Tout ça, c’est du passé, hein ! C’est vrai, quoi. Il y a des années de ça. Je ne t’ai plus touché, après. Je t’aurais laissé prendre la relève si j’avais pu. T’es un bon gars, tu sais.
    — Ah !
    Louis leva les yeux vers le ciel. Firmin vit le souffle court de son fils s’élever en petits nuages dans

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