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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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l’air d’encre. Il sursauta lorsque Louis l’empoigna par sa mante neuve :
    — Et Mère ?
    — Je ne savais pas, moi ! Elle n’a jamais dit un mot. Eh… EEH !
    Louis avait soulevé son père d’un bras parfaitement sain. L’autre pendait juste à côté et lui donnait l’air d’un monstre. L’adolescent le projeta dans la tente qui s’effondra mollement sous son poids. Firmin s’empêtra dedans tandis que Louis se penchait déjà au-dessus de lui. Certaines de ses blessures s’étaient rouvertes sous l’effort. Mais, galvanisé par la rage, il ne s’en soucia pas.
    — Vous ne saviez pas. Vous ne saviez pas que, de traiter ma mère comme ça, c’était mauvais. Vous ne la méritiez pas. Vous ne méritez pas de vivre.
    Firmin haleta. L’affreux vacarme du camp ne lui parvint plus aux oreilles. Seulement celui de cette révolte qu’il n’avait jamais voulu entendre. Celle d’un fils malheureux qui ne comprenait pas. Une rage si longtemps réprimée que Firmin était bien près de percevoir comme une clameur s’amplifiant pour le frapper en plein visage : celle d’un enfant qui, avant même d’avoir su ce qu’était le mal, avait aimé en causer. Dans son refus d’aimer, Firmin avait semé une haine inextinguible qui ne pouvait engendrer que la destruction. C’était la loi de la nature humaine voulant se faire elle-même justice : « Tu ne m’aimes pas, alors moi non plus, je ne t’aime pas. Je te déteste. Je vais tout faire pour te détruire. » C’était sans espoir de rémission. Mais admettre que c’était lui, Firmin, qui avait mal agi et non sa défunte épouse, c’était admettre qu’il avait eu tort sur toute la ligne. Et cela, l’ancien boulanger n’y était pas prêt. Il se releva et dit crânement :
    — Pauvre petit morveux qui joue les grandes âmes ! Tu dis que tu veux venger ta mère, mais au fond tu ne songes qu’à ton petit cul qui mérite juste un bon coup de pied.
    — Essayez, pour voir, dit Louis.
    Firmin s’avança et contourna l’adolescent. Louis tourna sur lui-même pour suivre son père des yeux. Firmin ricana.
    — Pensais-tu que j’allais réellement te mettre mon pied au cul ? Remarque que c’est pas l’envie qui m’en manque.
    Il fit demi-tour et s’éloigna en crachant par terre. Louis le rattrapa. Il lui plaqua les mains sur les épaules et dit :
    — Vous m’avez mal compris, je pense.
    — Comment ?
    — Vous avez violé Mère.
    — Violé ? C’était ma femme.
    Tout autour d’eux, des combats isolés faisaient toujours rage. Nul ne se souciait plus de la tente effondrée qui paraissait déjà saccagée. Louis dit :
    — Faux. Elle n’est plus votre femme. Vous n’avez plus rien. Vous n’avez même plus la vie, à partir de là, tout de suite.
    — Qu’est-ce que tu dis ? Tu divagues ou quoi ? Tu dis la bonne aventure, maintenant ? Va te coucher, petit vaurien.
    La lueur blafarde de la lune surgit de derrière un petit nuage argenté et éclaira le visage souriant de Louis.
    — Je vais vous tuer.
    La dague brilla dans sa main.
    *
    Le guet n’était pas intervenu pour arrêter les fugitifs. Les hommes avaient été prévenus de ce qui se passait et n’avaient reçu pour instruction que celle d’empêcher le désordre de se propager au-delà du cimetière. Clémence et Desdémone s’étaient retrouvées à la sortie de la ville. Elles attendaient. Louis n’apparaissait toujours pas aux portes.
    — Mais qu’attend-il pour sortir ? haleta Clémence.
    — La dernière fois que je l’ai vu, il était entré dans la tente du Gros.
    — Pour son levain. Bon Dieu, son intransigeance causera sa perte.
    — Si je retournais voir ? proposa Desdémone.
    — Tu es folle. Nous avons déjà eu de la chance de pouvoir prendre la fuite en dépit des vigiles.
    Elle chuchotait, tandis que des rires gras trahissaient la présence de fugitifs parmi les vignes. Le bon vin de Magister avait changé de mains.
    La nuit avançait, et Louis ne se montrait toujours pas.
    — Viens. Il faut qu’on s’en aille, dit Desdémone.
    *
    — Ici, Magister ! cria Firmin de toutes ses forces. Magister ! Je l’ai trouvé, le Malin !
    La dague de Louis traça deux éclairs meurtriers sans l’atteindre. L’adolescent détala. Il n’avait plus le temps. L’homme à la crosse surgit de nulle part, ainsi que deux autres disciples qui prirent le fugitif en chasse. Un troisième homme, blessé, roula entre les jambes de

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