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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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seul sa chambre en prenant appui contre le mur. Sa guérison se déroulait mieux que les circonstances ne l’avaient laissé prévoir.
    Ainsi Louis reçut-il la permission d’aller prendre l’air quotidiennement dans le jardin, à condition qu’il fût accompagné d’un frère. C’étaient toujours les trois mêmes qui se portaient volontaires pour cette tâche, de même qu’ils s’étaient relayés à son chevet lorsque l’abbé avait interdit à l’un d’eux d’y passer tout son temps. Il s’agissait de Pierre le robuste, Lionel le muet et Lambert le ricaneur. Tous trois semblaient avoir pris Louis en affection en dépit de la réserve qu’il manifestait à leur égard.
    L’abbé lui rendait visite régulièrement pour prendre de ses nouvelles.
    — Il a un appétit d’ogre, mon père, lui dit l’infirmier. Il mange tout ce que je lui donne. Absolument tout. Même la salade de pissenlits, la soupe d’orties tendres, la mongette* ou le chervis que j’ai habituellement bien du mal à faire ingurgiter aux jeunes. C’est d’autant plus étonnant que le malaise dont il est atteint occasionne très fréquemment des problèmes de digestion. Toujours est-il que je me suis amusé d’une petite farce à ses dépens. Mais, je vous en prie, ne lui en dites rien. Hier, je lui ai fait servir un énorme monticule de purée de navet et une triple portion de porc. Que Dieu me pardonne, mon père, ce n’était qu’un vilain tour. Il y en avait suffisamment pour quatre, là-dedans. Eh bien, il a tout dévoré jusqu’à la dernière bouchée. Il n’a même pas bronché en voyant arriver ce monstrueux repas.
    Antoine avait le feu aux joues. L’infirmier, penaud, se méprit sur la signification de cette rougeur. L’abbé déployait toute sa volonté pour ne pas éclater de rire. C’était vraiment trop inopportun. Il finit par réussir à prendre la parole.
    — Bien, bien, en voilà, une bonne nouvelle. C’est là un signe indéniable que notre miraculé prend du mieux. Je ne vois aucun mal à ce qu’il ait un bon appétit. Seulement…
    Ses yeux pétillèrent de malice.
    — Veillez à ce que cela ne se reproduise plus. Sinon, je me verrai dans l’obligation de divulguer ce que je viens d’apprendre à Louis, et j’ai comme vous la forte impression qu’il ne sera pas content de passer pour un goinfre.
    — Il se met effectivement en colère pour des riens. Il faudra que je veille à ne pas lui donner trop de nourriture épicée. Son foie produit trop de bile jaune {66} .
    *
    Même si le clergé avait la réputation de négliger l’hygiène, hormis le lavage des mains qui, lui, était courant, et même si la règle bénédictine ne prévoyait que deux bains par an et un rasage par trimestre, la pratique des bains était inégalement partagée. Louis se baigna chaque jour et nul n’y trouva à redire. C’était un besoin instinctif d’effacer sur lui toute trace de violence. Et il aimait la propreté.
    L’adolescent entreprit sa convalescence dans l’adorable fouillis que constituait l’un des coins ombragés du jardin qui donnait sur l’hôtellerie. Il ressentit bien vite le besoin de s’occuper les mains et on commença à lui confier quelques menus travaux, tels que la fabrication de patenôtriers* à partir de dés en os retaillés qui avaient été abandonnés par leurs propriétaires repentis. Au fur et à mesure qu’il se rétablissait, ses tâches devenaient multiples et variées.
    Lambert l’initia au jardinage et commença à lui inculquer quelques connaissances de base sur les propriétés de certaines plantes médicinales. Cela l’intéressa beaucoup. Le frère Pierre, quant à lui, mit l’adolescent à l’ouvrage du côté de l’entretien et de la réfection de certains bâtiments utilitaires qui avaient été négligés du fait que la communauté s’était considérablement réduite au cours de cette dernière année. Même si rien n’y paraissait, Louis semblait apprécier la compagnie sobre et cartésienne de Pierre. Le convalescent fut même affecté aux cuisines à quelques reprises, ce dont il raffola. L’abbé en conçut d’ailleurs une certaine inquiétude, car Louis semblait une proie décidément trop facile pour le péché de gourmandise. Lionel n’eut pas autant de succès avec les livres : à chaque fois qu’il avait invité un jeune novice à lui faire un brin de lecture, Louis s’était endormi. Même les épopées antiques et tumultueuses

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