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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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l’arc. Ses livres lui manquaient dès l’instant où il les mettait de côté. Il n’assistait aux leçons d’archerie et n’y participait que pour Louis, parce que l’adolescent ne venait presque jamais le voir à la bibliothèque.
    Louis consacrait quotidiennement plusieurs heures à l’exercice. Bornoyer* pour viser le bersail* à vingt toises* n’était pas tout : il existait toute une science du maintien de l’archer, de sa façon d’armer et de la rapidité avec laquelle il le faisait. Il fallait tenir compte du vent, de la tension de la corde, de l’humidité ou de la sécheresse ambiante, bref, d’une quantité de facteurs auxquels on n’accordait guère d’attention au vu des gestes gracieux et souples d’un bon archer, qui avait néanmoins appris à évaluer tout cela en un clin d’œil et à agir en conséquence sans que rien n’y parût.
    En moins d’un mois, Louis acquit suffisamment d’habileté pour atteindre du premier coup des cibles mouvantes. Il y mettait un acharnement qui frôlait la frénésie, à un point tel que Pierre vit à cet apprentissage un stimulant, un puissant vecteur de guérison. En effet, il n’y avait pas à douter que Louis se portait de mieux en mieux. Lionel, que l’on avait affecté au lancer des projectiles, arrivait chaque jour aux vêpres avec des courbatures aux épaules et aux bras.
    Lorsqu’il apprit que Pierre et Louis s’étaient par-dessus le marché mis au behourd*, l’abbé Antoine décida que le moment était venu d’intervenir.
    *
    Louis s’adonnait à l’exercice avec une diversité et une fluidité de mouvements, avec une aisance également qui n’étaient pas sans évoquer les arts martiaux.
    — Il a ça dans le sang, dit un Pierre essoufflé et admiratif à l’abbé qui était venu les voir.
    Antoine décida de les regarder faire un moment. Louis était totalement concentré. Il ne parut même pas remarquer sa présence ni même l’interruption que son arrivée avait occasionnée. Il reprit là où Pierre avait laissé. Leste, il lia par la gauche, puis par la droite, et fit une parade. Il utilisait sans hésiter le plat de sa lame en bois pour éloigner son adversaire ravi et, le prenant par surprise, enchaînait avec un corps à corps. D’un geste en apparence incongru, il empoigna par sa lame en bois l’épée de son professeur.
    — Très bien. Très, très bien. Tu l’as prise juste où il fallait, dit ce dernier.
    Pour arriver à cette précision, il fallait que Louis ait déjà pris le temps de connaître avec précision les techniques d’affûtage des différentes parties de la lame.
    Pierre prit son adversaire de vitesse et porta un coup de taille qui eût été dangereux avec une véritable épée. Mais Louis bloqua correctement à l’aide de son bouclier, qu’il permutait aisément avec son épée, car le moine avait insisté sur l’importance de cette technique. Savoir manier l’épée de la main gauche allait donner l’avantage à son élève, car si une blessure survenait au bras droit, il n’allait pas se retrouver désarmé. De plus, non seulement cela avait un effet de surprise qui déstabilisait l’adversaire, mais certains mouvements, tout à fait exclusifs aux gauchers, donnaient du mal aux droitiers lorsque venait le temps de répliquer.
    Très souvent, l’adolescent se faisait stopper net dans ses élans par son professeur. Il écoutait avec une grande patience ses explications au sujet de tel travail du poignet ou de tel jeu de jambes. L’escrime était une science qui relevait presque de la danse, où la finesse et le raffinement jouaient un rôle essentiel {68} .
    — Pour lui, cela devient une forme de contemplation, dit Antoine, tout bas.
    Pierre s’arrêta. Louis fit de même et tint son épée de bois devant lui, plantée en terre. On l’eût dit dans une attitude de recueillement. Pierre marcha vers l’abbé.
    — C’en est une, et à l’état pur, dit-il en jetant un coup d’œil vers son élève.
    Antoine murmura :
    — Pardonne-moi d’interrompre ta leçon, mon fils. J’aurais besoin de m’entretenir un moment avec lui.
    — Mais bien sûr, allez-y. Vous n’avez pas de permission à me demander, mon père.
    — Merci bien… Puis-je prendre un peu de ton temps, mon fils ? dit-il en s’adressant à Louis.
    Le convalescent lâcha le manche de son outil et rejoignit l’abbé rondelet. En silence, ils marchèrent de concert jusqu’au potager.
    « Comment aborder

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