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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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affection comme on adopte, par compassion plutôt que par bon sens, le chiot le plus taré d’une portée. Depuis toujours, les cadets avaient été destinés soit aux métiers des armes, soit à la bure. Or, Arnaud n’avait voulu entendre parler ni de l’un ni de l’autre. Il n’avait pas non plus cherché de substitut et avait été marié de force à la fille d’un noble sans fortune. Sous la protection paternelle, il avait pu mener, en toute impunité, une vie d’enfant gâté qui avait peu à peu tourné à la débauche pour compenser une frustration grandissante : car, tout choyé qu’il était, le jeune d’Augignac n’était pas heureux. Il voulait plus.
    — Il nous faut partir demain à la première heure, dit Arnaud à ses acolytes.
    Le jeune noble caressa pensivement un parchemin plié qu’il avait glissé sous sa chemise comme s’il s’était agi d’une lettre d’amour. Les hommes s’entre-regardèrent. L’un d’eux se permit de discuter familièrement avec lui, ce qui donnait à penser qu’il était bien davantage pour Arnaud qu’un simple serviteur :
    — Si vite ? Mais les festivités entourant le couronnement {86} ne sont pas encore terminées. Et votre père…
    — Mon père va demeurer ici avec Raymond, répondit-il un peu brutalement et avec impatience. Ses affaires risquent de le retenir pendant un certain temps.
    Arnaud se pencha vers eux en adoptant le ton de la confidence. Son regard en biais prit des lueurs hypocrites.
    — Il n’en tient qu’à moi de profiter de leur absence. C’est le moment ou jamais d’agir, comprenez-vous ?
    Les hommes s’agitèrent, émoustillés par la perspective d’une aventure, une vraie cette fois, qui allait prendre la saveur d’une quête audacieuse digne de preux. L’un d’eux, dont la barbe qui commençait tout juste à pousser le démangeait à cause des boutons qui se nichaient dessous, commença à se gratter. À l’exception de Thierry qui, en tant que valet, connaissait Arnaud depuis l’enfance, ils étaient tous plus ou moins des bandits de grand chemin qui avaient été recrutés çà et là au fil des ans. Ils s’ennuyaient et profitaient de l’immunité de leur jeune maître pour faire les quatre cents coups sur les terres du domaine et aux alentours. Thierry était quant à lui d’une autre nature. Il avait été le maître d’armes d’Arnaud et lui avait appris à monter, à chasser, à manier l’épée et à lutter. Il était aussi dévoué et fidèle au jeune Arnaud qu’aurait pu l’être un véritable ami, ce qu’il était sans doute aussi.
    Arnaud dit, en tapotant sa poitrine bombée et en prenant un air pompeux :
    — Cette lettre est de Friquet de Fricamp.
    — Le gouverneur de Caen {87}  ! s’exclama Toinot, un braconnier qui ne bénéficiait de l’immunité que parce qu’il s’était mis au service d’Arnaud.
    — Lui-même. Il est allé assister au couronnement et m’a fait savoir qu’il allait passer et faire halte par chez nous sur le chemin du retour.
    Il fit pensivement tourner le vin qui restait au fond de sa coupe. Les six hommes rirent sous cape. Ils avaient compris. Arnaud voyait dans cette visite l’occasion parfaite de se démarquer et de se faire connaître du jeune monarque fraîchement couronné et sûrement inexpérimenté.
    — Demain, nous devrons couvrir au moins dix bonnes lieues. À ce rythme-là, nous aurons amplement le temps.
    — Le temps de quoi faire ?
    — D’aller chercher le Templier {88} , mordieu ! C’est le cadeau idéal à offrir à mon roi.
    — Le Templier ? Vous voulez dire Beaumont ? Mais il doit avoir plus de quatre-vingt-dix ans. Messire, vous ne songez tout de même pas à…
    — Oh que si, j’y songe, Thierry, dit-il en adoptant un maintien évoquant la conspiration rusée. J’y songe même fortement.
    — Mais ce n’est qu’une fable. Il y a des années que ce Templier vit en ermite dans la montagne. S’il avait eu un trésor à cacher {89} , vous ne croyez pas que quelqu’un l’aurait trouvé depuis, gardé qu’il est par ce seul vieillard sénile ?
    — Aïe, sacrédié de bouton ! dit l’homme qui se grattait.
    — En voilà une blessure honorable ! N’est-ce pas, Colin ? À moins que ce ne soit la morille… Je blaguais, se hâta de dire Arnaud en voyant le jeune voyou blêmir. Mets-y un peu de vin. Ça l’empêchera de grossir à nouveau. Imaginez un peu ce qui se passerait si on réussissait à

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