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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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prodiguaient leur ombre bienfaisante. Parfois, ils tombaient inopinément sur des ruines sévères qui abritaient dans leurs sombres donjons figuiers ou térébinthes. Des ruisselets chantonnaient, jalousement cachés par les pentes desséchées des montagnes. À l’horizon, rendu presque irréel par la forte luminosité, un sommet à la chape de neige éternelle se profilait.
    Les deux jeunes gens ne savaient plus où aller et n’éprouvaient aucune envie de remonter vers le nord, même s’ils avaient ouï dire que la peste commençait à manifester des signes d’épuisement Elle s’était faite plus rare dans les montagnes de ce pays, dont l’isolement avait sans doute protégé les rares habitants {94} . Ici, on pouvait mener une vie paisible.
    — On pourrait descendre passer l’hiver dans la vallée et on remonterait ici pour l’été, suggérait parfois Hugues qui aimait bien rêvasser au pied d’un chêne.
    Ce fut à cette époque que le jeune voyou fit la rencontre de bergers qui leur offrirent l’hospitalité, à lui et à son ami. La perspective inquiétante d’une saison froide à passer seuls dans les montagnes ne les rassurait pas. Ils n’avaient aucune idée de ce à quoi pouvait bien ressembler l’hiver en ces lieux.
    Lorsque Louis manifesta l’envie de partir, Hugues s’y refusa : il avait fait la rencontre d’une petite bergère qu’il aimait bien. Ce que voyant, Louis accepta de rester encore un peu, mais il annonça que, indice ou pas, il allait pour sa part se remettre en route dès septembre.
    *
    Un pin courtaud tourmenté par les vents arides se penchait légèrement au-dessus d’un mince filet d’eau dans son écorchure du sol, le protégeant de ses branches tordues comme un sien trésor. À chaque été, juillet mettait le ruisseau presque à sec. Quiconque désirant alors s’en abreuver devait songer à poser, tôt le matin, un seau entre les rochers où il ne s’écoulait plus que goutte à goutte, et voir à remplacer le seau par un autre le soir venu.
    Une ombre vint s’immobiliser au-dessus de ce ruban étincelant qui, au zénith, semblait marquer les pages d’un livre précieux fait de rocs et de buissons à fleur de terre. Un jeune homme s’était arrêté là pour admirer en contrebas une vallée verte et or qui exhalait ses entêtants parfums de romarin et de lavande. Pays de musique et d’épices, figé pour l’heure comme une enluminure par les crissements de plumes d’innombrables cigales. Par l’effet de la pénurie d’eau, un peu de barbe avait commencé à barbouiller la figure du jeune homme. Le vent qui s’était alangui sous la lumière crue du soleil taquinait sa chevelure et ramenait des mèches sombres sur des épaules couvertes d’étoffe d’un noir passé. Ce qui avait d’abord été un froc bénédictin avait été taillé à mi-cuisse pour former une tunique nouée à la taille par une bande de la même étoffe torsadée formant ceinture. Le costume du jeune homme était complété par des chausses de coutil couleur de terre et des heuses en peau de daim dont la facture, quoique grossière, laissait croire que l’artisan possédait au moins quelques rudiments en matière de cordonnerie. Une dague, un arc et un carquois bien garni de flèches à pointes d’acier complétaient son attirail.
    Louis était intrigué par la présence d’un seau sur cette pente aride alors que, un peu en contrebas, l’eau rude et vivace coulait avec plus d’abondance. Quelques chanceux, parfois, y péchaient même des brins d’or. Cependant lui-même n’en avait pas trouvé.
    Il prit place sur un rocher chauffé par le soleil et sortit de sa besace une tranche de venaison séchée au soleil. Elle était coriace comme du cuir. Il se coupa une part de fromage de chèvre et la mangea, après quoi il se pencha et prit le seau afin de s’abreuver de l’eau volée, patiemment recueillie depuis le matin.
    Le chant cuivré des cigales était toujours si omniprésent que son absence soudaine donna trop de place au silence. Louis leva la tête et regarda alentour. Il ne vit rien. Une à une, les cigales reprirent leur chant là où elles l’avaient laissé et Louis continua de manger sa collation en admirant les grands mouchoirs d’or qui avaient été étendus sur le sol de la vallée. Les sols les plus fertiles étaient dévolus à l’orge et à un peu de mil, tandis que le méteil et le seigle régnaient sur les pentes douces.
    Une buse réveilla

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