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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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quelques échos, et trois chèvres passèrent près de Louis en bêlant. Les tintements de leurs clochettes parurent se multiplier, annonçant l’arrivée d’un troupeau. Le jeune homme se releva. Un grand chien dévala la pente à toute allure. Son propriétaire, un pastoureau, descendait de sa démarche nonchalante. Il dit, avec un fort accent espagnol :
    —  Hugo et Jacinta, ils t’attendent au camp, Luis.
    *
    Les lueurs changeantes du feu projetaient des ombres démesurées sur les parois des tentes qui avaient été montées un peu plus tôt au crépuscule. Lorsque les flammes auraient baissé, on allait mettre à rôtir sur des broches les quelques perdrix qui avaient été attrapées au cours de la journée. Pour le moment, les adultes s’étaient réunis en cercle autour du foyer et échangeaient commérages, jeux ou plaisanteries.
    Cette ambiance conviviale plaisait beaucoup à Hugues, à qui la seule compagnie d’un Louis taciturne ne suffisait pas. Car, depuis sa sortie du monastère, le jeune homme brillait par une économie de gestes et de paroles encore plus accentuée qu’auparavant.
    — À l’heure qu’il est, on doit l’avoir, notre nouveau roi, dit un vieux en très mauvais occitan. Les deux Français arrivaient tant bien que mal à suivre la conversation.
    — Tu tiens ça de Lopez ? demanda Jacinta, la pastourelle, que l’on disait un peu sorcière.
    Des mèches folâtres s’étaient échappées de son chignon et luisaient, telles des flammèches autour de sa tête.
    — Tout juste. Il est revenu hier de Pampelune. Paraît qu’il a vu le roi en personne passer à cheval. Imaginez : un roi qui n’a jamais mis les pieds sur ses terres de Navarre, dit-il avec dédain.
    Un homme plus jeune avait entrepris d’embrocher les perdrix.
    — J’ai ouï dire que l’Ermite s’est tordu la jambe avant-hier en allant quérir de l’eau, annonça-t-il.
    — C’est vrai ? Le pauvre diable. Ça ne doit pas être facile pour lui là-haut. Je pourrais aller lui rendre une petite visite, proposa Hugues.
    — Je t’y accompagnerai, dit Jacinta en se coulant amoureusement contre lui sous le regard scrutateur de Louis que le feu rendait cuivré.
    L’une de ses longues mèches sombres lui barrait l’œil droit. Cela ne semblait pas l’incommoder. Jacinta dit doucement, à son intention :
    — Je ne lis jamais dans les lignes de la main. Même quand les gens me le demandent. Parce que leur visage me parle bien davantage. Trop, parfois. Le tien est de ceux-là. Tu me mets mal à l’aise. Quelque chose manque. Ça doit être ça. Mais je n’arrive pas à savoir quoi.
    — Jacinta, dit Hugues doucement.
    — Ça va, j’ai compris, dit Louis, qui se leva et s’apprêta à partir. Jacinta le rappela en se levant à son tour :
    — Non, attends. Tu n’as pas compris. Suis-moi dans ma tente et je t’expliquerai.
    L’expression de cette femme au teint olivâtre ne laissait place à aucun doute sur ses intentions. Elle disparut derrière le pan de sa tente où l’adolescent alla la rejoindre une fois qu’il eut reçu l’approbation de son compagnon. Sans un mot, elle l’invita à prendre place sur une natte et s’assit devant lui. Des instruments et une lampe de pierre étaient posés entre eux. La petite flamme bleutée pétillait joyeusement en s’abreuvant d’huile. Dehors, les voix formaient une tapisserie sonore qui alla s’atténuant aux oreilles du jeune homme tandis que la pastourelle prenait la parole d’une voix douce, légèrement monocorde :
    — Il faut que tu saches ce que me dit ton visage. Voici : parce que tu as eu très mal, tu feras toi aussi beaucoup de mal. Une grande révolte couve en toi, n’est-ce pas ?
    Elle vit ciller le regard dur de Louis dont la lampe attisait un feu qui, lui, venait de l’intérieur.
    — Oui, admit-il enfin.
    — Contre quelqu’un. Quelqu’un qui t’est proche.
    C’était une affirmation. Il opina encore et dit :
    — Le père.
    Elle fit un vague signe d’assentiment comme si cette précision était sans conséquence.
    — Bientôt, tu passeras par une mauvaise porte. Ce qui se trouve de l’autre côté de cette porte, tu ne le souhaites pas. Mais tu vas quand même le choisir. Par ce choix que tu feras, celui que tu cherches sera perdu. Relève ta manche. La dextre*.
    — Pourquoi ? demanda Louis tout en obtempérant.
    — Je ne sais pas. Je vois… comme un guerrier.
    Il haussa les épaules avec

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