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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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sans cesser de geindre, errait imprudemment au hasard d’une démarche trébuchante. Le petit berger, toujours en travers de la selle, n’osa rien tenter. Le garde d’Arnaud dut empêcher son protégé d’arracher la flèche de son bras. Celui qui était blessé à la cuisse avait claudiqué derrière le rocher qui avait servi de siège à Garin. L’homme qui tenait Hugues en otage l’entraîna jusqu’à la grotte, où il le confia aux gardiens du Templier. À lui seul revenait de mettre un terme à ce qui paraissait être une fausse manœuvre d’encerclement. Il courut de travers en direction de la pente qu’il entreprit de gravir. Des cailloux en dévalèrent joyeusement pour aller se perdre dans quelques buissons atteints de pelade. Inexplicablement, il n’y eut pas d’autres tirs à ce moment, même si le poursuivant était à découvert. Arnaud cria d’une voix faussée par la douleur à laquelle il ne devait pas être accoutumé :
    — Il n’y en a qu’un, là ! Je le vois ! Saisis-moi cet archer du diable ! Je le veux vivant !
    Plusieurs flèches volèrent soudain près de la tête du garde, telles des guêpes défendant leur nid. Mais bientôt les tirs cessèrent. L’archer devait se trouver trop près de lui désormais pour le prendre comme cible, même s’il ne voyait rien dans l’enchevêtrement de végétation qui, à cet endroit bien choisi, avait deux toises de hauteur. Il avait l’impression que l’ennemi fuyait en silence juste sous son nez, faisant taire les insectes chanteurs, mais sachant utiliser la brise comme complice de ses dérobades. Il put cependant apercevoir le tireur de dos une fois, comme l’une de ces visions furtives propices à faire naître les légendes : un moine noir {103} ceint d’une bonne lame. Une chevelure sauvage dansant au vent. Il dégaina son épée. La brise reprit son souffle pendant suffisamment de temps pour permettre au poursuivant d’entendre les jurons d’Arnaud qui lui parvenaient de façon atténuée. Le mystérieux archer demeura introuvable. Complices, les feuillages denses murmuraient autour de lui et consentaient à lui servir de cachette.
    — Te joues-tu de moi, hé, aumônier des biques ? Montre-toi, sale couard !
    Ce défi braillard ne dérangea qu’une grive un peu plus loin devant lui, vers l’est. Il grogna de satisfaction en s’élançant et faillit tomber dans le piège : une lame épaisse surgie de nulle part frappa la sienne avec une telle force que des étincelles jaillirent. Il manqua perdre son emprise. L’adversaire, un géant, se dévoila enfin et l’affronta. Il se mit à frapper de taille et d’estoc, sans relâche, sans dire un mot. « Manœuvre dangereuse puisque épuisante, surtout en armure », lui aurait dit Garin s’il l’avait vu faire. Toutefois, l’idée de Louis avait produit son effet : l’homme d’armes isolé, désemparé devant la haute stature de sa proie, qui n’avait cessé de se dérober jusqu’à cette violente attaque, se mit à parer les coups en reculant imprudemment jusqu’au bord de la cuvette. Louis l’y fit trébucher. Le garde boula au bas de la pente en produisant un nuage de poussière dans lequel le mystérieux archer disparut pour se matérialiser à nouveau juste à ses côtés. L’homme d’armes eut tout juste le temps de rouler sur lui-même pour esquiver un coup qui lui entailla tout de même l’épaule. Il n’y en eut pas d’autres : Louis s’était précipité avec une vitesse démoniaque vers l’individu bien habillé qui semblait être le chef. Arnaud leva les mains en signe de reddition lorsque la pointe de l’épée lui effleura doucement le menton. Il gémit.
    — Pitié !
    — Pitié de quoi ? demanda Louis avec dédain.
    —  Mucho ánimo, Luis {104}   ! cria le petit berger depuis son perchoir.
    Les autres, gardes et captifs, s’étaient regroupés à l’entrée de la grotte pour observer la scène.
    — Louis, non, dit Hugues.
    Mais le jeune homme n’entendait plus. Il semblait avoir oublié jusqu’au pourquoi de son intervention, car il ne parut même pas remarquer la présence de Hugues. La mauvaise lueur dans son regard fit voleter une fine poussière argentée qui ressemblait à de la cendre à leurs pieds, comme si quelque chose d’invisible venait de se consumer. Il dit doucement :
    — Tu ne crois tout de même pas que je vais te laisser partir comme ça, peinard ? Non, il faut du sang.
    — Hé, du calme. Dis-moi

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