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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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homme un coup d’œil affligé. Louis eut la nette impression que cette affliction lui était destinée à lui, que Garin n’éprouvait aucune compassion pour lui-même.
    Ils furent de retour au châtelet familial le lendemain après-midi, après une nuit passée à la belle étoile. Les serviteurs n’avaient encore reçu aucune nouvelle de Raymond d’Augignac, ni de son fils aîné.
    Ce qu’Arnaud rapportait de son escapade sema l’émoi parmi les domestiques. Les prisonniers furent jetés ensemble dans un méchant cul-de-basse-fosse sans autre commodité qu’un peu de paille moisie. On avait ménagé Beaumont. Mais son défenseur était couvert de plaies et de crasse. Il fut enchaîné par les poignets et le cou comme une bête dangereuse. Louis n’eut aucune réaction : il avait perdu connaissance bien avant son arrivée dans la cour pavée. À présent, il semblait fixer Garin de ses yeux vaguement révulsés. Le vieillard, encore nauséeux à cause des secousses du genêt, ne put réprimer un frisson.
    La porte de leur geôle se referma et fit disparaître dans une obscurité totale ce visage qui n’était pas celui d’un homme.
    *
    Friquet de Fricamp ressemblait à un renardeau à l’affût. Il était châtain et plutôt malingre. Il avait le visage fin et blême ainsi qu’il sied à un clerc menant une existence confinée. Il portait souvent la main à sa tonsure, comme pour s’assurer qu’elle était toujours là et que son statut d’homme politique ne l’avait pas effrayée. Si le climat du Midi et les voyages à travers deux royaumes lui avaient donné quelques couleurs, il conservait toutefois par habitude les manières affectées des gens de cour. Leur servilité calculatrice faisait bien rire le jeune roi Charles de Navarre. C’était donc par l’humour mordant de son souverain que le gouverneur de Caen, une ville de Normandie plus ou moins alliée de la Navarre {105} , avait découvert qu’il avait trouvé plus fort que lui en matière de ruse. Et celui qu’on appelait le Freluquet ne s’en offusquait pas. Puisqu’il existait un homme plus sournois que lui-même, cet homme-là, qui venait d’être couronné, méritait son dévouement ambitieux.
    Il arriva au châtelet d’Augignac par un après-midi venteux. Son escorte d’une dizaine d’hommes en tout envahit la cour. C’était un convoi modeste pour un personnage aussi illustre qui revenait d’assister au couronnement de son roi. Il se composait essentiellement d’ecclésiastiques. Le gouverneur avait tenu à s’assurer que sa petite troupe se déplace avec rapidité.
    Le baron, encore retenu à Pampelune, avait fait recommander à son fils de recevoir la délégation avec tous les honneurs dus au gouverneur. Pour une fois, Arnaud s’abstint de rechigner, se rendant de bonne grâce aux exhortations de son père. Terrines aux épices, pâtisseries safranées, délices confites et vins raffinés se succédèrent sur la table, de banquet en banquet. On organisa des joutes et des festivités où furent conviés une douzaine de troubadours. On dédaigna les chandelles de suif, jugées indignes des hôtes qui festoyaient jusque tard dans la nuit, pour puiser sans vergogne dans la réserve de vraies bougies importées à prix d’or {106} . Arnaud n’en avait cure et rabrouait fréquemment l’intendant soucieux : qu’importait la perte d’une poignée de chandelles quand la faveur royale était en jeu ! Une fois cette faveur gagnée, il n’allait avoir nul besoin d’héritage pour mener la belle vie. Pas une fois il ne porta attention au regard de son hôte, qui avait tout de suite jaugé le personnage : un tel manque de subtilité de la part du jeune noble lui était presque une injure.
    *
    — Garde cela pour toi, compris ? dit à Garin l’un des acolytes qui avait espéré passer un peu le temps avec celui qu’ils appelaient le défroqué. Pas un mot. À personne.
    Avec l’arrivée de la nuit venaient aussi des nuées de moustiques qui, attirées par l’humidité souterraine, ne donnaient aux prisonniers aucun répit. Les gardes semblèrent en traîner davantage avec eux lorsqu’ils ramenèrent Louis inconscient au cachot en le traînant par les aisselles. Garin fit un signe d’assentiment au garde qui lui avait parlé. Ils se contentèrent de laisser le prisonnier étendu à même la paille souillée sans lui remettre les chaînes. Le Templier se hasarda à leur demander :
    — Que s’est-il

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