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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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passé ?
    — Rien. Il ne s’est rien passé du tout. S’il crève, c’est un accident. On n’a rien fait.
    — Bon sang, tu la fermes, Colin, dit l’autre garde. Ils venaient visiblement d’avoir la frousse de leur vie. Les deux hommes sortirent hâtivement.
    Garin vint s’accroupir aux côtés de Louis et contempla le visage qui gardait encore les traces d’une obstination farouche, même dans l’inconscience. Ses paupières étaient à demi ouvertes sur des yeux blancs, et de l’écume s’accrochait à sa barbe clairsemée. Garin le regarda tristement et lui posa une main sur le front.
    « Quod per sortent
    Sternit fortem
    Mecum omnes plangite {107} … »
    *
    Le banquet était commencé depuis une heure. À lui seul, il avait coûté une petite fortune. On avait placé à intervalles réguliers des arrangements de pastèques et de concombres catalans. Au centre de chacun avaient été disposés avec grand art de petits quartiers de ces précieux melons de Valence, dont l’importation était récente. Froids et humides selon la théorie des humeurs, ces fruits étaient consommés en tout premier lieu afin qu’ils soient mieux digérés par le vin et les autres aliments qui allaient leur succéder.
    La main potelée d’Arnaud leva bien haut une coupe de cristal dont le contenu, un vin couleur rubis, fut illuminé d’attrayante façon par la lueur des bougies avant de disparaître dans le gosier avide du jeune homme. Il était déjà ivre et tituba légèrement lorsqu’il se mit debout. Il tendit sa coupe à un serviteur qui apporta un grand pichet à bec tubulaire d’où coula en abondance de ce même vin à nul autre pareil. Le jeune hôte prit bien haut la parole afin de se faire entendre en dépit du brouhaha des conversations et de la musique :
    — Excellence, il me plaît fort en ce jour d’être votre hôte, à vous de même qu’à votre éminente compagnie. Votre présence honore ma modeste demeure. J’ose espérer que ces réjouissances auront su vous plaire d’égale façon.
    Arnaud se gargarisa d’applaudissements. Friquet lui fit un signe de tête poli et leva à son tour son hanap. Ravi, d’Augignac fit signe à deux serviteurs qui s’effacèrent.
    Presque immédiatement après, ils revinrent en transportant sur une sorte de brancard le plus gros pâté que les convives aient jamais vu : sa croûte bombée et dorée à l’œuf était anormalement élevée. Les convives applaudirent à la vue de cette généreuse pâtisserie qui avait l’air des plus appétissantes. Solennellement, les serviteurs entreprirent de découper tout le pourtour de la croûte bombée et la soulevèrent. Une nuée de petits oiseaux au ventre blanc s’en envola sous les exclamations ravies des convives. À l’intérieur de cette grosse demi-sphère de pâte se nichait un véritable petit pâté à la viande épicée dont chacun allait pouvoir déguster un infime morceau. Arnaud vit qu’il avait valu la peine de mettre le pâtissier à l’ouvrage plus tôt. L’homme avait préparé le vrai pâté et avait aussi fait cuire la fausse croûte en l’emplissant de farine par un trou de la taille de son poing qui avait été pratiqué au bord du plat. Une fois cuite, la pâtisserie avait été vidée de sa farine et on y avait placé le vrai pâté. Avant de boucher le trou, on y avait introduit chacun des petits passereaux qui, à présent, voletaient en pépiant au-dessus des madriers du plafond.
    Arnaud prit une longue inspiration : il avait passé des heures à concocter un petit discours que la nervosité lui fit égarer parmi les oiseaux du pâté. La crainte d’échouer et de passer à côté de la fortune qui l’attendait l’empêcha donc de servir au clerc les éloges fleuris qu’il avait prévus.
    — En guise de remerciement envers vous qui êtes un noble représentant de notre justice royale… qui daigne souper à la table de son humble et loyal sujet, j’ai l’immense honneur de vous remettre… ainsi qu’à notre bien-aimé roi nouveau Charles le Deuxième, le présent que voici.
    Il claqua des mains en affichant un air d’autorité inébranlable. Aussitôt, un tabard blanc frappé d’une croix rouge se dessina dans l’entrée du vaste tinel*. Cela produisit son effet : une vielle en fut passablement dérangée et prit du retard par rapport au tambourin accompagnateur qui pourtant s’était mis à bégayer. Plusieurs voix se turent simultanément, et le silence

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