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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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lui, je ne l’ai même pas prévenu. »
    Regrettant amèrement de ne pas avoir repris la route seul plus vite, à temps pour laisser Hugues à sa nouvelle vie, il entreprit de déchiffrer les traces laissées par les pillards : ils étaient une demi-douzaine. Leur groupe s’était scindé en deux aux abords d’une montée. Un seul cavalier et trois hommes à pied s’étaient engagés vers la colline abrupte. Deux autres piétons étaient partis de leur côté en traînant quelqu’un de force. Tous paraissaient ensuite s’égarer dans une recherche vaine, car les traces tournaient en rond et finissaient par s’entrecroiser parmi un fouillis de végétation basse et dense qui poussait le long d’une paroi. L’un des individus avait abandonné un bout de tissu aux griffes trop possessives d’un roncier. Louis reconnut l’étoffe : elle appartenait à la tunique de Hugues. Il y avait du sang dessus.
    *
    Arnaud fit craquer les jointures de ses poings bagués avec une satisfaction manifeste en souriant au petit pâtre terrorisé couché à plat ventre devant lui en travers de sa selle, les chevilles et poignets attachés avec des liens de cuir. Un petit prisonnier dont la collaboration s’était avérée fort utile puisque les quatre hommes avaient à peine tâtonné pour trouver l’endroit qu’ils avaient cherché en vain des heures auparavant.
    —  Indulto, indulto {101} , répétait sans cesse le garçonnet sanglotant.
    — Garin de Beaumont. Je te tiens enfin, vieux traître, dit Arnaud qui ne descendit pas de son genêt.
    — Vieux sans doute, mais non pas traître. Que me voulez-vous ? demanda l’ermite d’une voix sereine.
    Le Templier, encadré par deux des gardes qui étaient loin de manifester l’arrogance de leur maître, se tenait bien droit devant le jeune noble. Les deux hommes restants surveillaient Hugues qui avait lui aussi été neutralisé. Arnaud épousseta avec nonchalance la manche de son hoqueton de camocas* vert ceint de cuir sombre au fermoir d’or. Une tenue d’un luxe exagéré pour une randonnée en montagne. Le jeune homme se délectait de sa victoire tout en songeant qu’il avait pu mener son projet à terme avant le retour de son père. Il ne lui restait plus qu’à espérer que le baron ne soit pas de retour au châtelet avant quelques jours encore.
    — Beaucent à la rescousse {102}  ! railla d’Augignac en s’agitant sur sa selle.
    Cela rendit sa monture nerveuse et son pied pris dans l’étrier heurta le dos d’un troisième garde qui s’était rapproché de lui pour se mettre à sa disposition. Garin protesta :
    — Ne profanez pas l’ordre auquel j’appartiens. Qui que vous soyez, votre voix méprisante est indigne de cet appel puisque vous vous en prenez à des enfants.
    — Que de nobles sentiments pour un troupeau de boucs châtrés qui avaient amassé davantage d’or que les juifs et les banquiers lombards réunis ! Les Templiers ont été exécutés par le roi de France. Ils n’existent plus. Ta vieille carcasse à elle seule me vaudra donc bien un écu ou deux de la part de mon roi !
    Il se rengorgea et flatta le dos du petit berger.
    — Quant à ce loyal sujet, je me ferai un honneur de le relâcher tantôt afin que tu prennes sa place sur le devant de ma selle.
    Son rire gras se perdit soudain dans un hurlement de douleur : l’un des gardes qui retenaient Hugues se courba, empoignant la hampe d’une flèche qui venait de se ficher dans sa cuisse droite. L’empenne en tremblait encore lorsqu’un second projectile se planta bruyamment dans le bouclier du garde qui se tenait près d’Arnaud. Le temps de trois battements de cœur, une autre flèche, provenant d’un angle différent, atteignit ce dernier au bras.
    — Là-haut ! Là-haut ! s’écria le garde indemne qui se hâta de se protéger derrière Hugues qui se débattait.
    Mais son appel à ses compagnons se perdit dans les cris porcins d’Arnaud. Il regarda avec insistance en direction du bord de la cuvette où l’on ne pouvait voir que des feuillages à peine mouvants sous la brise de midi. Deux autres flèches sifflèrent sans causer de dommage, car les hommes valides avaient suffisamment repris leurs sens pour se déplacer vivement et en zigzaguant, afin d’adopter des positions défensives. Ceux qui retenaient Garin l’entraînèrent dans sa grotte. Le garde d’Arnaud, indemne, fit bouclier de sa personne au jeune noble qui avait sauté de sa monture et qui,

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