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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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s’affaissèrent.
    — Bon Dieu de bon Dieu. Ils vont tout gâcher. J’y vais. Quant à toi, Thierry, trouve-moi un bourrel* au plus vite. S’il le faut, mène Sanchez le boucher au bailli. Lui saura contraindre ce marchand de tripaille à obéir {110} .
    *
    Le baron était effectivement très en colère. Il avait entraîné son puîné dans les caves où croupissaient les deux hommes qu’il y avait si stupidement enfermés. Une torche accrochée au mur grésillait, mécontente d’être dérangée dans sa somnolence.
    — Tu nous as mis dans de beaux draps, petit outrecuidant !
    — Je n’ai fait que servir mon roi et nous allons être riches, Père.
    — Riches, peuh ! Parce que tu crois que le roi a le temps de se soucier de cette vieille légende qu’il ne connaît sans doute même pas ?
    — Ah ouais ! Il la connaît. Le gouverneur me l’a dit lui-même. Admettez donc ouvertement votre déception de ne pas avoir eu cette idée à ma place ! Fricamp les a condamnés. Voilà bien la preuve qu’ils étaient coupables.
    — Fadaises ! Coupables de quoi ? Et fallait-il que tu les héberges aussi vilainement ? Toi, garnement, il est plus que temps que tu t’en ailles vivre sur mes terres de Normandie. Ce ne sont que landes désertées où tu ne pourras plus faire de dégâts.
    La pénombre du cachot près duquel ils se tenaient exhalait une odeur suffocante de déjections, car on avait confiné les deux prisonniers sans même leur accorder l’usage d’un seau d’aisance. Ils avaient dû se soulager dans un coin, à même la paille de leur geôle qui n’avait pas été changée depuis. Raymond reprit :
    — Cet ermite ne constituait plus une menace jusqu’à ce que tu aies l’idée saugrenue d’aller le quérir. Avec cette ambition insensée qui un jour causera ta perte, tu as forcé la main du gouverneur qui n’avait rien demandé. Les Templiers n’existent plus en France et Charles ne tient pas à entreprendre son règne en se mettant à dos le roi de France, de qui il est vassal. Ai-je besoin de rappeler à ta mémoire que ce massacre des Templiers par Philippe le Bel a été extrêmement mal perçu par toute la chrétienté ? Cela a ébranlé le trône de France. C’est la dernière chose dont a besoin un monarque nouvellement couronné. Le gouverneur n’a désormais d’autre choix que d’étouffer l’affaire.
    La déconfiture d’Arnaud était d’autant plus cuisante que ces reproches lui étaient adressés en présence des condamnés silencieux et à peine visibles de l’autre côté des barreaux. Il répliqua :
    — Il m’a déjà dit ce qu’il voulait faire. N’empêche qu’il m’a quand même félicité. Et il a apprécié les festivités que je voulais clore avec le spectacle de cette double exécution.
    — Beaumont sera exécuté, rassure-toi. Mais à la hache, comme un vulgaire renégat, et non pas comme le héros ou le martyr que ton insondable inconscience s’apprêtait à créer. Oublie ces grands honneurs dont tu te délectais d’avance.
    — Qu’en est-il de l’autre ?
    Raymond haussa les épaules avec impatience.
    — Parlons-en, de l’autre. Ce manant n’a fait que t’infliger une correction que tu méritais. N’empêche que le gouverneur ne m’a rien dit à son sujet. Je ne lui ai rien demandé non plus, car j’ai trop à faire. Tes grandes idées m’ont coûté une somme rondelette et, de plus, il me faut tout organiser. Oh, et puis n’aie pas l’audace d’aller te montrer à ton frère pendant quelques jours. Il veut ta peau.
    Arnaud fit la moue et éluda :
    — Sanchez le boucher fait le malade. Il faudrait que vous ordonniez au bailli de le faire fouetter au carrefour des rues du village jusqu’à ce qu’il cède.
    — Je soupçonne la faim d’être responsable des soudains malaises du pauvre boucher. Personne ne va plus chez lui. Et il n’a pendu qu’un seul voleur il y a six mois. Ton cerbère ne trouvera pas d’autre exécuteur à temps. Qui, crois-tu, voudra s’acquitter de cette sale besogne, hein ? Nos gens veulent du sang, mais méprisent la main qui le verse pour eux. Seul un insensé ou…
    Leurs têtes se tournèrent en même temps en direction du cachot, d’où sortit la toux faible du vieillard. Raymond demanda à son fils :
    — Ne m’a-on pas dit que ce jeune goliard avait perdu l’esprit ?
    *
    Garin ne revit son compagnon d’infortune que tard le lendemain. Debout de l’autre côté des

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