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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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barreaux, Louis était devenu méconnaissable : baigné et rasé de près, il avait les cheveux taillés qui lui effleuraient tout juste les épaules. Il portait des chausses de coutil noir délavé, un floternel* de lin bis et une paire de sabots. Cet habit terne remplaçait celui que Raymond lui avait d’abord destiné, un costume raffiné mais démodé ayant appartenu à son fils et qui, évidemment, s’était avéré trop petit pour lui. Louis avait donc dû se contenter de vêtements quelconques qui avaient été glanés en hâte au village. Malgré tout, ses poignets dépassaient des manches trop courtes et ses chevilles étaient à l’air. Bien qu’il eût considérablement maigri, une servante avait dû relâcher les coutures de cette tenue disparate. On avait ensuite servi au jeune homme un repas somptueux auquel il avait à peine touché.
    — C’est l’émotion, avait affirmé le bailli qu’on était allé quérir afin qu’il aide le débutant dans ses préparatifs.
    Le jeune homme avait posé sur lui ses yeux sombres comme une nuit dépourvue d’étoiles.
    — On a toujours moins faim que soif, en geôle, avait-il répliqué.
    — Ah ! ah ! Quel cran ! Mais c’est vrai, quoi : un bourrel, faut que ça picole.
    Et on s’était empressé de servir à Louis une généreuse rasade de vin.
    À présent, il se tenait avec un garde de l’autre côté de la porte ! derrière laquelle il avait lui-même croupi. Il attendait que Garin se réveille. Il se tourna brièvement vers le geôlier et lui dit :
    — Laissez-nous seuls.
     L’homme, c’était Toinot, qui avait fait partie de ses tourmenteurs et qui lui obéit sans discuter. Garin remua sur sa couche et s’assit. Louis refusa de voir son visage et laissa son regard errer dans la pénombre malodorante de la cellule.
    — T’aurait-on gracié ? demanda le vieux moine guerrier.
    — Presque. Ils me laisseront partir demain.
    Le Templier se leva et s’approcha du jeune homme qui semblait en pleine possession de ses moyens et muni d’une autorité nouvelle auprès des subalternes de cette maisonnée. Une froide détermination se lisait sur ses traits, ce qui en accentuait la dureté. Il poursuivit :
    — Je suis venu pour vous prévenir.
    Louis appréhendait l’instant où Beaumont apprendrait qu’il allait être son bourreau. Il en ressentait d’avance de la gêne. Le vieillard fit remarquer :
    — Je sens de la fumée. Ils ont brûlé mon habit, n’est-ce pas ?
    — Oui. Dans la cour.
    Garin fit un signe de tête las.
    — Je m’en doutais.
    Ainsi, on avait même méprisé l’ultime désir du vénérable chevalier d’être enseveli avec ses vêtements de Templier. Cela écœura Louis, qui s’abstint pourtant de le montrer. Le vieillard soupira :
    — Qu’importe. Cela n’était après tout que vain orgueil. De quoi voulais-tu me prévenir ?
    — C’est moi qui vous mettrai à mort.
    Le bref silence qui s’immisça entre eux fut meublé de leurs deux, souffles qui aussitôt se dissocièrent.
    — C’était donc cela, dit Garin {111} .
    Louis fit un signe de tête. Le vieil homme retourna s’asseoir.
    — Je vous l’avais dit, que je portais malheur, dit Louis un peu durement.
    Garin secoua la tête. Il dit, d’une voix lasse :
    — Non. Tu as bien fait d’accepter. Tu as toute la vie devant toi et sûrement bien des raisons de tenir à ce monde. Moi pas : je suis malade. Pour de bon, désormais. Cette courante* m’affaiblit d’heure en heure. Il me tarde de trouver enfin le repos éternel. Ce sera la hache ?
    — Oui.
    — Mieux vaut cela que la hart {112} . Mais prends garde, mon garçon : personne n’aime les bourreaux.
    — Je sais. Peu importe.
    — Tu en acceptes l’opprobre ? Tu porteras une cagoule, mais les gens te reconnaîtront tout de même à ta taille.
    Le jeune homme haussa les épaules, affectant l’indifférence devant ce preux, cet homme qui se souciait non pas de son propre sort mais du sien comme seul aurait pu le faire un véritable ami. Et, encore une fois, Louis allait devoir s’en séparer, et de la pire manière qui pût exister. Il répondit :
    — Une seule fois. Ensuite, je m’en retourne chez moi. J’appartiendrai à la guilde des boulangers. Je suis venu en pays d’Oc pour rien.
    — Qu’espérais-tu donc y trouver ?
    Louis ne répondit pas tout de suite, et son expression se durcit.
    — Rien. Un jardin, peut-être, dit-il enfin.
    Il se détourna

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