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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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enfant. J’allais me marier. Me marier, oui.
    Des bribes de souvenirs lui traversaient l’esprit comme des bouts de vitrail fracassés. Il les regardait se former pour aussitôt disparaître, les yeux intensément posés sur ce que tous les autres prenaient pour du vide.
    — L’ennui, c’est que je ne sais pas où ils sont passés.
    Les convives s’entre-regardèrent, un peu gênés. Fricamp demanda, d’une voix plutôt aimable :
    — Es-tu un disciple de Garin de Beaumont ?
    — De qui ? Non.
    L’un des gardes donna un coup de poing dans l’estomac de Louis qui se plia en deux sans tomber, retenu qu’il était de chaque côté par ses tourmenteurs.
    — Adresse-toi correctement au gouverneur, insolent ! dit l’un d’eux.
    Pendant un instant, on n’entendit plus que cliquetis de chaînes et halètements douloureux. Friquet accorda à Louis le temps de reprendre son souffle.
    — Es-tu un Templier ou désires-tu le devenir ?
    Louis déglutit.
    — Non plus. Saint Benoît…
    — Laissez-le ! se hâta d’ordonner le clerc, avant que le prisonnier ne soit à nouveau frappé. Il reprit :
    — On m’a dit que tu t’es porté à la défense de Beaumont. Est-ce vrai ?
    — Est-ce vrai, oui ou non ?
    — Je ne sais pas.
    — Tu as été vu par plusieurs témoins dignes de foi alors que tu attaquais sciemment l’escorte du jeune d’Augignac que tu as également blessé d’un trait. Qu’as-tu à dire pour justifier cet acte ?
    — Ah, j’ai fait ça, moi ? C’est possible.
    Louis fronça les sourcils et essaya en toute honnêteté de se souvenir, mais il n’y parvint toujours pas. L’un de ses gardes, Toinot, éclata d’un rire victorieux et salua son maître d’un signe de tête approbateur. Friquet demanda :
    — Tu admets donc l’avoir fait ?
    — Avoir fait quoi ? Oh, oui. Oui, j’aime à tuer les rats.
    Le souvenir que voyait Louis fut perturbé par une grêle de protestations de la part des convives qui crurent à une insulte. Louis regardait au plafond, fasciné par l’un des petits oiseaux qui s’était perché au-dessus de sa tête, comme s’il n’était concerné en rien par ce qui se passait. Toinot ricana et dit :
    — Tu es beaucoup trop grand, Ruest, pour quelqu’un qui va mourir.
    Il lui assena un coup de gourdin dans les mollets pour le forcer à s’agenouiller et se mit à le frapper sous les acclamations rauques des hommes et les cris retenus des femmes. La voix de Garin s’éleva, exceptionnellement forte au-dessus du tumulte :
    — Cessez ! Cessez cela ! Pauvres insensés, ne voyez-vous pas que cet homme est souffrant ? Il ne comprend rien à ce qui lui arrive !
    Cette intervention courageuse de la part de l’un des accusés leur fit reprendre à tous leurs esprits, et les huées retombèrent comme un orage qui s’éloigne. Le Templier se tourna vers Friquet. Dans le silence subit, Louis, couché en position fœtale, marmonna, d’une voix sans timbre :
    — Pardon, Père.
    Arnaud rugit :
    — Oyez ces impertinents qui défient votre jugement éclairé, Excellence !
    — Ça ne fait pas mal, dit encore Louis.
    — Mais moi, j’ai encore mal, et grandement ! dit Arnaud, qui retroussa la manche de son pourpoint brodé ainsi que celle, en soie, de la chemise qu’il portait en dessous.
    Le clerc n’aperçut qu’un bandage parfaitement propre.
    — Ce fou furieux dont vous tolérez la présence m’a fait au bras cette blessure, à moi, un homme de haut rang. Il a eu en outre l’outrecuidance d’affronter mes hommes à l’épée !
    — C’est vrai, Excellence, je puis en témoigner, dit Toinot, qui fit taire Louis en posant le bout de son gourdin contre son cou.
    — Je vois, je vois, dit Friquet qui, malgré ses talents de diplomate accompli, ne trouva pas utile de remettre à l’ordre cette assemblée d’abrutis indignes de s’imbiber avec des vins trop raffinés pour sa rusticité.
    Arnaud cracha encore :
    — Le Templier l’a lâché contre nous comme un chien immonde.
    — Je crois surtout, jeune d’Augignac, que le moment est mal choisi pour rendre la justice. Votre bon vin échauffe trop le sang. Surtout le vôtre.
    — Excellence…
    — Vous m’avez confié le sort de ces deux hommes dans le but évident que j’en dispose pour vous au nom de notre roi, n’est-ce pas ?
    Arnaud rougit jusqu’à la racine des cheveux.
    — Eh bien…
    — Sortons, vous et moi, un moment, je vous prie, dit encore le

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