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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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est-il du trésor ? La fable mentionne des montagnes creuses remplies d’or. Êtes-vous le détenteur de ce trésor ?
    Garin rit doucement.
    — Il n’y a plus de trésor depuis belle lurette, Excellence. Ce qui n’a pas été pillé par les hommes d’armes du roi lors de l’abolition a été emporté au loin et éparpillé. Tout ce que j’ai jamais possédé, les gens du jeune d’Augignac l’ont trouvé dans ma grotte.
    — Qu’en est-il des hérésies, des blasphèmes dont vos frères et vous-même avez été accusés ? Pour être accepté dans l’ordre, avez-vous dû, oui ou non, cracher sur un crucifix {108}  ?
    Garin, toujours digne et bien droit, dit, d’un air résolu :
    — Souffrez, Excellence, que je ne parle point de toutes ces choses. Ce qu’en ont dit mes compagnons soumis à la torture ne saurait être tenu pour valable. Cela n’a fait que servir de prétexte pour abolir l’ordre. Moi, je n’étais qu’un membre mineur, et le peu que j’en sais ne vous servirait à rien. Sachez seulement que je vénère Jésus-Christ et Sa Virginale Mère et c’est avant tout à eux que je me suis dévoué toute ma vie.
    — Je vous crois, dit simplement Friquet.
    Ce vieillard devait être l’un des derniers représentants d’une race devenue presque mythique qui avait contribué à faire du petit royaume de France une véritable puissance centralisatrice. « Nous ne produirons sans doute plus de tels hommes, désormais », songeait tristement le gouverneur. La source s’en était tarie. La France allait s’étiolant sous les semelles des hommes de guerre et des bandits.
    — Ce vieux fou ment, Excellence ! s’empressa de dire Arnaud en occitan, avec un manque flagrant de manières qui coupa le souffle aux invités.
    L’ivresse lui donnait une bravoure teintée d’angoisse :
    — Il ne vivait pas seul. Il y avait quelqu’un avec lui. Un disciple ! Toinot, Thierry. Allez-y. Mais allez-y donc !
    Les deux hommes d’armes disparurent en hâte dans l’escalier menant aux caves. Peu après, un raclement de chaînes causa un remous dans la salle.
    — Ma foi, c’est un géant que vous nous amenez là, dit Friquet lorsqu’ils revinrent en escortant un individu qui devait bien mesurer plus d’une toise.
    Ses chevilles et ses poignets luisaient de sang frais sous les bracelets de fer. Sa tunique, quoique tachée et lacérée, demeurait encore aisément identifiable. Il semblait avoir du mal à se tenir debout et regardait à terre.
    — Ce goliard* vient aussi du Nord, je crois, Excellence, tint à préciser Arnaud afin que Friquet sache en quelle langue s’adresser à lui.
    Le gouverneur demanda donc en langue d’oïl :
    — Qui es-tu ?
    Le prisonnier ne répondit pas. Son regard demeura caché derrière quelques mèches crasseuses qui lui étaient tombées sur le front. Il ne prêta aucune attention à la question de son juge, car le seul fait de se trouver soudain exposé à un air non vicié l’étourdissait, un peu comme s’il avait bu.
    — Je te recommande de ne pas abuser de ma patience, l’homme. Dis-moi quel est ton nom.
    Le prisonnier leva enfin la tête. Un œil presque noir et d’une fixité désagréable se posa sur le gouverneur.
    — Mon nom est Louis Ruest, dit une voix neutre qui ne semblait pas appartenir à ce captif malmené.
    — D’où viens-tu ?
    — La hotte. Je ne sais plus où elle est. Faut que j’aille travailler.
    Des rires retenus lui firent jeter un regard exorbité, très expressif, autour de lui. Il semblait jouer le rôle d’un prisonnier et tenir à le faire de manière plus vraie que nature. Friquet se pencha vers Arnaud et lui murmura à l’oreille :
    — Aurait-il perdu l’esprit ?
    — Mais je suis d’ici, voyons. De Paris, dit Louis sans avoir laissé à Arnaud le temps de répondre.
    — C’est un avertin, Excellence, dit Arnaud sans l’ombre d’une incertitude.
    — Es-tu ou as-tu jamais été un clerc ou un moine ? demanda Friquet à Louis.
    Louis pencha la tête de côté et parut réfléchir avec beaucoup d’application. Cette attitude ôta toute crédibilité à ce qu’il allait dire. Personne n’aurait pu savoir que tout n’était plus que chaos dans son esprit stimulé à l’extrême par l’anxiété et l’épilepsie qui le laissaient épuisé et confus. Il lui aurait été facile d’expliquer qu’il avait été postulant bénédictin. Mais il n’en parla pas.
    — J’ai une femme et un

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