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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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clerc.
    Une fois qu’ils se furent isolés tous les deux dans une petite pièce inoccupée dont ils fermèrent la porte, Friquet poursuivit de sa voix posée :
    — Votre désir est que le Templier soit mené à notre roi de votre part. Quant à l’autre, vous exigez réparation, c’est-à-dire que j’appelle sur lui la peine de mort. Est-ce que je fais erreur ?
    — Non, Excellence. C’est exact.
    — Je m’en doutais. Vous n’avez aucun sens de l’honneur, d’Augignac. Et puisque je vous dois la vérité, il me faut admettre qu’il me déplaît de voir ce brave vieux Beaumont entre vos pattes trop âpres au gain.
    — Vous aurais-je donc déplu ? demanda Arnaud, soudain alarmé. Ce n’est jamais qu’un vieillard sénile. Je puis…
    — Un vieillard sénile dont vous m’obligez à faire un martyr par la faute de vos manigances !
    Friquet de Fricamp soupira en portant la main à sa tonsure qu’il caressa pensivement. Il dit enfin :
    — Si vous voulez un conseil, d’Augignac, ne faites jamais de politique. Vous n’auriez pu choisir de pire moment. Vous rendez-vous seulement compte que la priorité de notre nouveau roi, son premier geste politique d’importance, sera d’aller rendre hommage au Valois ? Or, ce dernier n’a nul besoin de se faire rappeler que notre sire est un Capet {109} . Je vais donc devoir entièrement assumer la décision que je vais prendre. Je dois protéger mon roi. Il ne saura donc rien de tout ceci.
    — Mais pourquoi…
    — Vous n’avez pas besoin de connaître les motifs de ma décision. Cela n’est pas de votre ressort. Tout ce que vous devez savoir, c’est que le roi n’apprécierait pas du tout votre cadeau. Croyez-moi sur parole. Il n’y a pas de trésor ni de Templier. Garin de Beaumont sera autre chose. Il disparaîtra parmi les criminels de droit commun que l’on doit mettre à mort chaque année sans que le roi ait à entendre parler d’eux. Laissez-moi faire. Veillez à jeter au feu toute trace de son appartenance à l’ordre. Avec un peu de chance, nous éviterons un incident dont les conséquences seraient des plus funestes pour votre famille.
    — Bien, Excellence. Puisque vous me le commandez.
    Ils revinrent dans le tinel surchargé par une odeur entêtante de viandes rôties, de sauces et de vins chauds. Friquet se rassit à sa place, et Arnaud se tint à ses côtés. Le silence retomba, total. Le gouverneur annonça, d’une voix forte :
    — Au nom du roi Charles le Deuxième, il est de mon devoir de rendre ici même justice. Il a été établi ce jour par moi que Garin de Beaumont, officier de la garde royale, a été trouvé coupable de désertion et d’usurpation d’une fausse identité. Je condamne donc ledit Garin de Beaumont à être décapité dans trois jours à none* sur la place du village.
    Il prit quelques notes avec un stylet sur une tablette de cire qu’on lui avait remise. Cette vérité tronquée allait être dûment consignée sur parchemin officiel plus tard. Enfin, il s’adressa aux gardes :
    — Faites avancer l’autre.
    — Quant au dénommé Louis Ruest, j’ordonne que ce même jour soit sectionné son poing droit, car il a osé s’attaquer à un noble. Pour lui, ce sera la hart*. Que Dieu vous ait en sa sainte garde.
    *
    — Comment, malade ! rugit Arnaud qui, malgré les nombreuses contrariétés, aimait bien adopter ce ton péremptoire pour simuler l’autorité qu’il aurait rêvé de posséder en lieu et place de son frère aîné.
    — C’est comme on vous le dit, messire, dit Thierry. Il est malade et il n’y en a pas d’autre à moins de trente lieues. Tous les équarrisseurs que j’ai mandés m’ont fermé leur porte au nez.
    — Il m’en faut un pour après-demain. Arrange-toi comme tu voudras, mais qu’il soit ici avant sexte !
    La chambre du jeune homme sentait le linge mouillé, le vin suri et la nourriture rance. Il s’était réveillé par terre à peine une heure plus tôt, l’esprit encore brouillé par une digestion laborieuse. Lorsqu’on avait cogné à la porte, il s’était revêtu hâtivement d’une tunique qu’il aurait dû endosser pour dormir.
    — Messire, votre père est de retour. Il vous mande, intervint Toinot qui arrivait derrière Thierry.
    — Déjà ! Mais c’est beaucoup trop tôt. Est-il au courant ?
    — Je le crains, messire. Lui et messire votre frère semblent d’ailleurs fort courroucés.
    Les épaules d’Arnaud

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