Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
Vom Netzwerk:
mesurait seize pouces, mais seule une aire de dix pouces et demi composait le fil {117} .
    Un garde avait fait descendre Garin de la charrette. Il lui fit gravir les marches une par une en le bousculant légèrement. Le vieil homme était exténué, mais l’expression sur son visage blême était sereine. Il tituba jusqu’au milieu de la plate-forme et avisa l’exécuteur à qui il offrit un ultime salut. Après quoi on le contraignit à affronter la foule pendant que le héraut lisait son annonce se terminant par « … et que justice suive son cours ».
    — Vous avez bien fait les choses, Excellence, fît remarquer le baron lorsque lecture fut faite.
    — En effet, en effet, dit le clerc qui semblait penser à autre chose. Raymond n’insista pas. Garin fut conduit devant Louis qui lui enleva l’écriteau et le remit à un valet. Il aida le vieil homme à s’agenouiller devant le billot. Malgré les sévères crampes qui presque sans cesse le tenaillaient, le digne Templier était parvenu à ne pas se souiller. Louis reprit son souffle et tenta de nouveau de s’éponger le front avec sa cagoule. Garin leva les yeux vers lui et dit :
    — Libère-moi de ce monde menteur, Louis.
    Certains spectateurs qui se tenaient devant l’échafaud se mirent à protester.
    — Qu’est-ce qu’il a dit ? demanda une mégère édentée.
    — Nous n’avons rien compris ! se plaignirent plusieurs autres. Louis eut l’irrésistible envie de taper du pied et de leur crier : « Vos gueules ! » mais Garin ajouta :
    — Dieu te garde. Je te pardonne.
    Les spectateurs du premier rang entendirent et se turent. Certains d’entre eux purent même ouïr la réponse du bourreau :
    — Vous êtes meilleur que moi.
    Son haleine brûlante se diffusa dans les fibres rustiques de sa cagoule. Il alla se planter derrière le condamné et se pencha pour lui faire poser la tête correctement sur le billot rectangulaire. D’une hauteur de deux pieds, l’instrument était creusé à ses deux extrémités les plus longues. La première dépression, plus large, était conçue pour y faire reposer les épaules. Le second creux, situé à l’opposé du premier, était prévu pour le menton. La victime était contrainte de poser la gorge contre une indispensable surface dure, la nuque étirée le plus possible, car il s’agissait là d’une cible très petite pour l’homme nerveux qui avait à la viser sous les milliers de regards braqués sur lui.
    Un pas de côté et sa hache s’éleva. Garin ferma les yeux. Louis frappa de toutes ses forces. L’arme s’abattit en produisant un bruit sourd qui fit sursauter le billot. Beaumont s’affaissa sur le côté, aux pieds de l’exécuteur, en laissant sur le billot une traînée écarlate. Bouche ouverte, yeux exorbités, il crachait le sang. Pendant une interminable seconde, Louis fut pétrifié.
    — Vite, vite, entendit-il dire par quelqu’un qu’il ne vit pas.
    Et il se reprit. Les hurlements de la foule ne parvenaient plus à ses oreilles. Plus rien n’avait d’importance hormis cet homme qui était mortellement atteint et qu’il fallait achever au plus vite. Il posa la hache et prit sa victime par les épaules pour la redresser. Il lui fit de nouveau poser la tête sur le billot. Garin haletait et ses bras noués étaient agités de violentes secousses. À cause des mouvements convulsifs du condamné et des projectiles dont les gens s’étaient mis à le bombarder, Louis reprit la hache. Il fut à peine capable de viser l’encoche où palpitaient muscles et ligaments sectionnés.
    — Han !
    L’arme cliva de nouveau la nuque du malheureux, lui écrasant les vertèbres. Garin roula à nouveau sur le côté, mais il cessa de se débattre. Les chausses de Louis furent arrosées de sang et d’un liquide incolore. Beaumont paraissait avoir perdu conscience. L’épaisse lame s’était frayé un chemin plus avant : elle avait partiellement broyé les vertèbres, et la tête était à demi arrachée. L’exécuteur se sentait étouffer. Il dut remettre sa victime inerte en position une troisième fois. La tête de Garin finit enfin par tomber et son corps bascula contre les jambes du bourreau qui ne s’était pas reculé à temps.
    — Qu’est-ce que tu attends, espèce d’idiot ? lui dit le bailli. Montre-leur sa tête {118}  !
    Louis dut marcher dans des flaques qui s’agrandissaient sur les planches rendues collantes par les traces de miel que l’ours

Weitere Kostenlose Bücher