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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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avait laissées. Il s’avança sur l’échafaud pour brandir, en le tenant par les courts cheveux, l’horrible trophée. Les orifices de sa cagoule étaient de guingois et c’est d’un seul œil qu’il put voir que les spectateurs les plus rapprochés s’éloignaient craintivement de ses sabots ensanglantés. En revanche, d’autres s’avancèrent et se mirent à lui demander des bouts de la chemise du mort en lui tendant des pièces de monnaie.
    Mais Louis n’entendit ni ne remarqua rien de tout cela. Il se détourna et reposa la tête de Garin dans un panier rempli de sciure. Le bailli le regarda tituber jusqu’au bord de la plate-forme sans réclamer son dû, laissant les gardiens et les valets se disputer les effets du supplicié pour tout vendre à la foule qui se pressait alentour. « Encore heureux que l’on n’ait pas à le débiter en quartiers pour l’exposer aux quatre coins du village », se dit-il. Et il se chargea de planter lui-même la tête de Garin sur une pique.
    Oublié, Louis sauta en bas de l’échafaud et disparut en dessous, à genoux dans une pénombre épargnée par l’affreux délire de l’extérieur. C’était un réduit strié de rayures lumineuses produites par le soleil qui passait par les interstices de la plate-forme. Il haleta et arracha sa cagoule, exposant à l’air son visage ruisselant. Par certaines fentes des planches au-dessus de sa tête, du sang visqueux dégouttait encore. Certaines de ces gouttes rouges se faufilèrent dans ses cheveux trempés. Louis se courba en deux pour vomir.
    *
    Le lendemain
    Ses pieds nus ne faisaient presque pas de bruit sur la sente fraîche d’un bois. Au loin, le clocher d’une petite église sonnait vêpres. Un écureuil détala devant lui, emportant dans sa gueule une grosse noix qu’il allait se hâter d’enfouir pour l’oublier ensuite. « Ainsi, avait fait remarquer une voix aimée qui n’existait plus, des forêts entières poussent grâce à la distraction d’une petite bête. »
    Louis décida de faire une pause. Il s’assit sur un tronc moussu pour fouiller dans sa besace, à laquelle étaient attachées une gourde calebasse* remplie d’eau fraîche, de même que sa paire de sabots qu’il ne portait plus, car ils lui donnaient mal aux pieds. Ses vêtements étriqués étaient éclaboussés de taches brunes. Mais, au moins, on avait consenti à lui redonner son vieux couteau. Il entreprit de grignoter un bout du saucisson auquel la grosse cuisinière du domaine avait renoncé de mauvaise grâce.
    Il ne désirait plus qu’une chose, retourner le plus vite possible au pays, laissant loin derrière le cauchemar qu’il venait de traverser. Maintenant que la peste avait reflué à Paris et qu’il s’était prouvé à lui-même jusqu’à quel point il avait consenti à s’abaisser, il était plus que temps qu’il remonte vers le Nord et vers le but de sa quête.
    Le jeune homme déboucha un cruchon de vin domestique auquel il but goulûment. Sa manche droite lui descendit le long du bras. Il reposa le cruchon sur ses genoux en se passant la langue sur les lèvres. Il regarda pensivement la hache rouge dont avait été marqué son avant-bras. « Était-ce tout cela, la mauvaise porte dont Jacinta m’a parlé ? » se demanda-t-il. Tout en grattant vigoureusement le tatouage qui le démangeait soudain, il se promit d’allumer un cierge pour le vieux Templier dès son retour à Paris.
    Les oiseaux se turent dans leurs branches. Louis bondit, mais trop tard : le sol fut ébranlé par une galopade qui semblait venir dans sa direction. Il entreprit de fuir en s’éloignant du sentier. Il n’y avait aucun risque à prendre. Un seul cavalier coiffé d’un heaume apparut au détour du sentier. Il appela :
    — Halte-là, au nom du roi.
    Louis ralentit et tourna la tête en direction de l’homme. C’était un chevalier, armé, du roi de Navarre. L’épée au clair, il s’apprêtait lui aussi à faire quitter le sentier à sa monture. Louis leva les mains, mais refusa de bouger. Le chevalier dut s’engager parmi le feuillage dense des arbustes pour parvenir à sa hauteur. Louis perçut la luisance de deux perles grises qui le détaillaient avec un certain mépris à travers la ventaille close du heaume.
    — Es-tu le dénommé Ruest que l’on vient de gracier au châtelet d’Augignac ? lui demanda l’homme d’armes d’une voix peu engageante.
    — Oui.
    — J’ai ordre de te ramener auprès

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