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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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que tu étais libre. Enfin, presque libre. C’est vrai ?
    — Oui, c’est vrai.
    — Alors filons.
    — Tu n’es pas un peu fou ? C’est plein de gardes par ici.
    — On en a vu d’autres. Ça vaut la peine de tenter le coup.
    — Où est Jacinta ?
    — Partie. Ils sont tous partis. Je ne sais pas où. On verra ça plus tard. Allez, viens, on s’en va.
    — Pas question. On va se faire abattre.
    Incrédule, Hugues recula en dévisageant son ami.
    — Tu vas vraiment faire le bourrel ?
    — Je n’ai guère le choix.
    — Si, tu l’as. Tu l’as ! C’est juste que tu refuses de le faire, ce choix.
    Peu avant son départ de l’abbaye, Antoine lui avait parlé de la liberté de choix qu’avait accordée Dieu à l’homme. Pour l’humain, la joie était grande d’être, plutôt que l’esclave, le maître du monde et de lui-même, et de pouvoir donner un nom aux choses. Mais cette joie avait été tempérée par un sentiment de responsabilité. Dès l’instant où ce choix lui avait été offert, l’homme s’était su le comptable de ses actes : il avait acquis la connaissance du bien et du mal. « Aucun savoir n’est plus lourd à porter que celui-là, lui avait dit l’abbé. De toute la Création, l’humain seul ploie sous le faix de ce libre-arbitre. Cette discordance est une tragédie de tous les instants pour l’âme humaine ! »
    — Tu crains la mort bien davantage que la honte, dit Hugues avec mépris.
    Louis ne broncha pas. Il ne se défendit pas ni ne tenta de se justifier. Il laissa l’ire de son compagnon, comme une terrible épreuve d’initiation, se déverser sur lui.
    — Pars, Hugues. Toi, tu es libre. Retourne à Paris, ça vaut mieux. Les bourreaux portaient malheur, c’était bien connu, tout comme les chats noirs et les échelles {116} . Hugues grinça des dents et dit encore :
    — Tu n’es qu’un couard ! Ce pauvre vieux. Pourquoi ? Pourquoi fais-tu ça ?
    — Va-t’en. Fiche-moi la paix !
    — Dis-moi pourquoi tu fais ça.
    Louis ne répondit pas tout de suite. Il se détourna et prit la direction du bois.
    — Parce que je suis maudit, murmura-t-il d’une voix à peine audible. Allez, fiche le camp avant qu’ils ne m’obligent à te raccourcir, toi aussi.
    Les yeux pleins de larmes, Hugues le regarda s’en aller. Il avait l’impression de perdre définitivement son ami.
    *
    Un petit prêtre distrait se cogna le nez contre la poitrine du bourreau alors qu’il sortait de la cellule où il venait d’administrer les derniers sacrements au condamné toujours agenouillé sur la paille souillée. Il jeta au géant un regard effaré et s’effaça pour lui céder le passage. Un instant, Louis abaissa les yeux sur lui.
    Son visage de pierre disparut sous la cagoule et il entra dans le cachot, suivi du bailli et du garde nommé Toinot. Il rassembla avec douceur les longues mèches blanches de Garin qu’il entreprit de scier par touffes, tout près du crâne, avec le rasoir émoussé. Docile, vêtu de sa cotte d’armes que l’on avait couverte d’un vieux tabard à fleurs de lys, le Templier gardait la tête baissée. Louis lui attacha ensuite autour du cou un écriteau préparé par le bailli. Le vieillard y jeta un coup d’œil attristé et le lut à Louis :
    —  « Renégat infâme & déserteur. » On m’arrache même mon passé. La seule chose qui me restait. J’ai vécu trop longtemps.
    La main de l’exécuteur glissa avec ménagements sous son aisselle et l’aida à se lever. Garin se remit sur pied avec difficulté, car son habit de fer était devenu trop grand et trop lourd pour lui. Même s’il savait que c’était là une précaution inutile, Louis se concentra sur le ligotage des mains derrière le dos. « Gauche pardessus le droit, droit par-dessus le gauche », se dit-il.
    Quand les bras de Garin furent fermement immobilisés, l’exécuteur se redressa et frotta la cagoule contre son front en sueur.
    — Allons-y, dit-il.
    Il prit les devants. Le petit groupe quitta le châtelet désert au pas hésitant d’un mulet qui n’osait pas se montrer trop têtu sous la poigne de fer de Louis.
    Sur la place du village, on avait érigé une plate-forme temporaire qui allait servir d’échafaud. Elle vibrait sous les pas d’un ours placide qui dansait gauchement sous les ordres de son propriétaire. Plusieurs piécettes roulaient joyeusement à leurs pieds, certaines allant se perdre entre les interstices de planches

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