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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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montrer à tous qu’il était un bon chrétien en dépit de ses pénibles devoirs. En fait, cette exigence lui était d’un grand réconfort. La sérénité du monastère lui manquait toujours autant.
    La veille de l’exécution, Louis se rendit à l’église Saint-Sauveur. Il enleva son chaperon et, baissant humblement la tête, demeura à l’arrière de l’assemblée. Il fit une prière pour le condamné.
    En dépit de sa discrétion, de nombreux fidèles remarquèrent sa présence et en furent perturbés. Certains se mirent à chuchoter entre eux en lui jetant des coups d’œil furtifs. Il s’en alla avant la fin de la célébration.
    Il lui fallait encore une charrette et un mulet. Il eut beaucoup de mal à les trouver. Attelée à un vieux tombereau d’éboueur, la bête que lui fournit le marchand était vicieuse et refusait avec obstination de se laisser prendre par la bride. L’homme qui observait Louis, un sourire narquois aux lèvres, dit :
    — Y a pas à dire, même les bêtes savent qui tu es. C’est d’un cocasse !
    Louis se tourna brièvement vers lui. Le mulet en profita aussitôt pour tenter de le mordre avec ses grandes dents jaunes. Il l’éloigna d’un bon coup de poing et le tira brutalement par la bride.
    — Hé, vas-y doucement, imbécile, dit le marchand.
    Furieux, l’animal brayant tenta sans succès de se libérer et de décocher une ruade. Louis ne lâchait pas et fixait le mulet dans les yeux. Après plusieurs minutes de lutte vaine, la bête écumait : elle dut s’arrêter et subir le joug de son nouveau maître. Louis lui donna une petite tape amicale sur l’encolure et laissa tomber la bride.
    — Ah ben, ça alors, faut le voir pour le croire ! dit le marchand.
    Louis s’avança vers lui en massant sa main rendue douloureuse par le serrement de la bride.
    — Vous l’avez fait exprès de me procurer cette bête rétive ?
    — Ben oui. Parce que tu ne crois tout de même pas que je vais fournir mes meilleurs attelages à un rustaud sanguinaire ? Au prix que l’on me paie pour toi…
    — À propos, tenez, dit Louis.
    Il jeta aux pieds de l’homme une petite bourse qui lui avait été confiée par le bayle. Elle s’ouvrit et répandit son contenu dans la paille souillée qui avait été traînée hors de l’écurie par un incessant va-et-vient. L’homme se pencha pour ramasser les pièces et, lorsqu’il se redressa, ce fut pour se retrouver face à face avec Louis, qui s’était discrètement rapproché. Son poing l’atteignit en pleine figure avec la même vigueur qu’il avait frappé le mulet. Le marchand, étourdi, se cogna contre le mur de son écurie. Louis laissa simplement tomber :
    — Personnel. À âne bâté, traitement d’âne bâté.
    *
    Il avait passé une partie de la nuit à récurer la vieille charrette, à en renforcer les montants et à évaluer la solidité des essieux ; si bien qu’à l’aube elle était devenue méconnaissable. « Pas question que je conduise un homme à sa fin dans un véhicule malpropre, fût-il la dernière des fripouilles », s’était-il dit.
    — Place ! Laissez passer la justice du roi ! Allons, dégagez, bonnes gens !
    Le condamné avait été assis dos vers l’avant de la charrette, en un dernier geste de miséricorde visant à retarder le plus possible ce moment appréhendé où le malheureux allait apercevoir l’échafaud. Avec lui se tenaient un moine, le bourreau portant cagoule, ainsi que l’un des gardes du gouverneur qui s’occupait du vieux mulet. L’animal, curieusement, était demeuré docile depuis sa première rencontre avec son nouveau propriétaire. La foule serrait la charrette de près et bombardait ses passagers avec des ordures {127} . Le voleur pleurait et gémissait. Les mains liées sur le devant et retenues par des entraves aux chevilles, il protégeait comme il le pouvait son visage en rentrant la tête dans les épaules. Tout ce tumulte le servait bien. À cause du désordre et des secousses de la charrette, nul ne remarquait ce qu’il était en train de faire.
    À sa descente du véhicule, le condamné se tourna vers Louis qui le guidait. Ses mains étaient soudain libres. Avec le lien de cuir qu’il avait conservé, il frappa son bourreau à la tempe en un ultime geste de désespoir. À demi assommé, Louis perdit l’équilibre et s’écroula en entraînant sa victime dans sa chute. Un vigoureux corps à corps s’ensuivit, sous les acclamations ravies

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