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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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fallait à tout prix éviter que la victime se rende compte de ce malaise. Le mieux à faire était de prendre de longues respirations, comme il avait appris à le faire jadis en grimpant dans les tours de Notre-Dame. Il ne s’en rendit pas compte tout de suite, mais cette technique donna à sa voix une intonation douce qui en imposait.
    L’assistant demeurait immobile et en attente, les perches ne faisant que maintenir la tension des cordes. Le tortionnaire invisible dévoila son visage en se baissant pour regarder la victime dans les yeux. Il demanda :
    — Pourquoi es-tu venu au château aujourd’hui ?
    L’homme dévisagea le fonctionnaire avec un regard d’innocence outrée et répondit :
    — Pour présenter mes respects au gouverneur, quelle question !
    — Pourquoi es-tu allé présenter tes respects ?
    — Mais parce qu’il vient de rentrer en Normandie.
    — On t’a convoqué spécialement ?
    — Non.
    « C’est peut-être vrai », se dit Louis. Interroger un prisonnier n’était pas aussi facile qu’il y paraissait. Il prit le temps de réfléchir et demanda :
    — Que t’a dit le gouverneur, lorsque tu l’as rencontré ?
    — Il m’a salué et remercié d’être venu.
    Cela aussi pouvait être vrai. Pourtant, Fricamp avait fait arrêter cet individu. Un manant. Il y avait forcément une raison.
    Il y en avait une : une lueur d’inquiétude s’était brièvement manifestée dans le regard du supplicié. Louis insista donc :
    — Mais encore ?
    — Il m’a aussi demandé des nouvelles de ma famille et du village.
    — Rien d’autre ?
    — Rien. Pourquoi vous intéressez-vous à notre conversation ? Et d’abord, qui êtes-vous ?
    — Que t’a-t-il dit au sujet du roi de Navarre ?
    — Rien, je vous le répète !
    Louis fit signe à son assistant. Les cordes se tendirent et commencèrent à tirer sur les membres de l’homme, qui gémit. Les crampes dans son dos et ses articulations étaient en train de devenir insupportables.
    — Encore, dit le tortionnaire, qui ne pouvait s’empêcher de se demander si tout cela n’était pas la vérité.
    Comment savoir ? À coup sûr, l’homme allait finir par avouer n’importe quoi pour se soustraire à la torture. Il fallait que Louis évite de lui souffler trop aisément ce qu’il voulait l’entendre dire, car l’homme admettrait tout.
    Il reprit, d’un ton calme et détaché :
    — Ce n’est pourtant pas ce qu’on m’a donné comme renseignement. Le gouverneur Fricamp soupçonne que tu lui as été envoyé par les sbires du Valois afin d’espionner ses faits et gestes. Tout le monde sait que le Valois se méfie du roi de Navarre. Où allais-tu ?
    — Chez moi !
    Premier signe favorable. L’homme était en train de perdre son sang-froid. Louis répliqua :
    — C’est faux. Je sais que tu habites près de Vincennes, et l’on t’a vu te diriger vers Mantes. Où allais-tu ?
    — Que voulez-vous de moi ?
    — Dis-moi la vérité et je cesserai aussitôt.
    Un peu d’humidité dégoutta du plafond avec un bruit mou qui fut un instant seul à meubler le silence, hormis le souffle spasmodique de la victime. Le risque de suffocation devenait sérieux : les mouvements du diaphragme commençaient à être gênés par la torsion des nerfs et des muscles. Il fallait accélérer les choses, et vite. Louis se pencha donc et se mit à donner des coups de poing sur l’épaule de l’homme tout en retenant sa perche de l’autre main, ce qui menaçait de rompre la clavicule. Cela exigeait de sa part une force inouïe, et une mèche de cheveux sombres barrait son front trempé. L’assistant le regarda faire, les yeux écarquillés. L’homme hurla :
    — Laissez-moi, pour l’amour du Christ, et je vous dirai tout.
    Louis fit une pause et dit :
    — Alors ?
    — Mais j’ai tout de même le droit d’aller à Mantes.
    — Sans doute. Pourquoi y es-tu allé, cette fois ?
    — Je n’en sais rien. Ou plutôt si… J’ai… j’ai de la parentèle là-bas.
    Louis se redressa et se mit à faire violemment pivoter le treuil. L’assistant, tout en sueur, l’imita.
    — Non, non ! Ah ! Arrêtez. Par pitié, monseigneur. Je vais parler ! hurla l’homme.
    Louis ne s’arrêta que lorsque la respiration de sa victime fut sur le point de s’interrompre. Il posa son poing fermé sur l’épaule à demi disloquée du manant.
    — Je t’écoute. Fais vite. Au prochain tour, ça lâche.
    L’homme

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