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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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parvint à reprendre son souffle et dit, par à-coups :
    — J’ai été mandaté par l’évêque de Coutances… pour me mettre au service du gouverneur… de façon à ce que je tienne l’évêque informé de ses faits et gestes. Il paraît que… le roi de France se méfie du roi de Navarre. Et le gouverneur Fricamp en sait beaucoup sur le roi de Navarre… On m’a soupçonné à cause d’une cuiller d’argent que j’ai volée aux cuisines. Une cuiller, vous vous rendez compte ? C’était pas ma faute, c’est l’habitude, vous comprenez ? Je voulais la vendre. Faut bien que je gagne ma croûte.
    — Quand le gouverneur te posera la question, répondras-tu la même chose ?
    — Ça, oui, messire, je le jure sur mon honneur.
    — Voilà qui est très rassurant de la part d’un voleur. Prends bien garde de te souvenir de tout, hein. Je serai là.
    En s’adressant à son assistant, il ajouta :
    — Relâchons-le. Vous pouvez partir, je me charge de le soigner.
    — Enfin. C’est pas trop tôt. J’espère ne plus jamais te revoir à moins de six toises, Baillehache, dit le boulanger d’une voix tremblante.
    Le soir même, un messager vint s’adresser à Louis qui soupait seul dans la cour du château :
    — Messire le bayle vous réclame, dit-il au jeune homme qui nota le voussoiement.
    Une fois chez le bayle, Louis apprit que son voleur venait d’être condamné à la potence. Le fonctionnaire lui dit :
    — L’ennui, c’est que nous ne possédons pas d’échafaud. Tout ce qu’on a fait jusqu’à maintenant était démontable. À vous revient donc la charge d’en faire construire un permanent avant trois jours. Vous me présenterez votre mémoire de frais.
    — Quand aurai-je un endroit où habiter ? Je ne pourrai pas passer l’hiver sous la tente.
    — Cela vient, cela vient. Un peu de patience. Il nous faut d’abord trouver un site convenable. Soyez prévenu que fort peu de gens souhaiteront votre voisinage. Allez, maintenant. Mettez-vous au travail. Et prenez soin de ne pas choisir du chanvre vert pour la pendaison : c’est trop élastique.
    *
    — Pas de ça chez moi ! protesta un charpentier en voyant le déjà célèbre géant en noir s’introduire dans son atelier.
    Cette fois, Louis était seul. Il allait devoir se débrouiller lui-même pour obtenir la collaboration des marchands à qui il allait rendre visite. Et commander un échafaud n’était pas une peccadille. Il fut étonné de l’efficacité des paroles qu’avait dites le garde lorsqu’elles sortirent de sa bouche à lui, en même temps qu’il montrait l’ordonnance :
    — Je regrette, mais nul ne doit se mettre en travers de l’exécuteur. C’est écrit là. J’ai le mandat de vous réquisitionner si vous persistez dans votre refus de me servir.
    — Ah ben ça, c’est un monde ! Moi, me faire commander par un compagnon de la mort !
    — J’ai besoin d’un échafaud. Et attention, hein, je ne veux pas des retailles de n’importe quoi. Et surtout pas de bois cani*. Faites-moi quelque chose de durable en bon chêne du Midi {126} .
    — Et quoi encore ?
    — Une croix de Saint-André*. Trouvez-moi aussi un billot. À peu près de cette taille.
    Il lui montra les dimensions. L’artisan ne put réprimer un frisson. Louis se dirigea vers la sortie et dit :
    — Ne vous occupez pas du reste. Je me charge de tailler ce billot. Vous ferez parvenir votre mémoire de frais chez le bayle. Et n’oubliez pas l’échelle.
    Deux jours plus tard, tout était prêt, et l’armurerie du château abritait un assortiment d’objets d’apparence peu avenante, parmi lesquels trônaient la fameuse croix, de la corde, un billot, une hache et une barre à rompre. Un huissier d’armes avait pris soin de cacher tout ce matériel derrière une toile.
    — Il a vite su faire son marché, le gueux, et c’est qu’il n’a pas choisi le moins cher, fit remarquer le bayle à Fricamp.
    Mine de rien, Louis s’amusait beaucoup. « Avec tout ce fourniment que j’empile chez lui, le gouverneur n’aura d’autre choix que de me trouver une maison au plus vite », se disait-il avec satisfaction. Depuis deux mois, il dormait sous la tente à une demi-lieue de la ville. Il en avait assez : les nuits étaient de plus en plus froides et les commodités élémentaires lui faisaient défaut depuis trop longtemps.
    *
    Depuis sa nomination, Louis était tenu d’assister quotidiennement à l’office, afin de

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