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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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de la foule.
    — Vas-y, Baillehache !
    — Fais-lui son affaire, à ce gredin !
    Louis parvint à neutraliser le voleur en s’asseyant dessus et en lui assenant sous le menton un coup de poing qui le calma le temps de récupérer le lien de cuir parmi les pieds des spectateurs et de lui rattacher les mains sur le devant. « Faudra que je trouve autre chose, comme lien », se dit-il, le cœur au bord des lèvres.
    Tout aurait été plus facile s’il n’y avait pas eu d’échafaud, s’il avait pu, par exemple, pendre le voleur directement à une branche d’arbre simplement en retirant sa charrette de sous ses pieds.
    Les gardes n’eurent pas besoin d’intervenir autrement qu’en maintenant en respect la foule excitée. Louis se remit debout et aida sa victime, soudain résignée et en larmes, à se relever à son tour. Ils grimpèrent tous deux l’escalier abrupt de l’échafaud avec le moine et le bayle.
    Pendant que le bayle faisait lecture du crime et de la sentence, Louis aperçut des enfants qui, juchés sur les épaules de leurs parents, entaillaient la foule. « Oh, misère ! » pensa-t-il. Un gamin de sept ou huit ans était parvenu à se faufiler au premier rang des spectateurs afin d’avoir une meilleure vue. Le bourreau lui fit signe avec impatience de s’éloigner. Il ne comprit pas pourquoi.
    Louis passa rapidement la tortouse* autour du cou du condamné, sous la mâchoire et l’os occipital. Il tira avant d’en ajuster une seconde, le jet*. Le visage du malheureux demeura à découvert.
    Le moine murmura une ultime prière que personne n’entendit, pas plus que les dernières supplications du condamné.
    Une grande échelle était appuyée contre le mât de la potence. Le bourreau entreprit d’en gravir maladroitement les degrés à reculons, en tirant sa victime après lui jusqu’à ce qu’il soit capable d’attacher la tortouse à la chaîne de la potence. Il grimpa à califourchon sur la traverse.
    Soudain, Louis tira le jet brutalement, arrachant le voleur à l’échelle. Le nœud coulant se resserra sous le poids de la victime qui se mit à se débattre.
    Si personne n’intervenait, vingt minutes ou davantage pouvaient s’écouler avant que cesse la respiration. Louis avait entendu dire qu’en Angleterre les bourreaux faisaient une concession en permettant aux amis ou aux serviteurs de la victime de se pendre à ses jambes ou de la frapper à la poitrine pour accélérer sa fin. Mais, en général, la foule accueillait plutôt mal ce geste miséricordieux ; les bourreaux en faisaient trop souvent les frais, car on se mettait à douter de leur sobriété ou à soupçonner quelque lien de parenté inavoué avec la victime. Quoi qu’il en fût, une telle éventualité était exclue sur le Continent, vu la hauteur des traverses par rapport au sol. L’exécuteur devait tout faire lui-même.
    Avec une agilité professionnelle qu’il avait acquise en s’exerçant dans les arbres à la cueillette des noix, Louis se suspendit à la traverse afin d’atteindre les poignets ligotés de sa victime, dont il se fit une sorte d’étrier. Il se mit à donner de violentes secousses de haut en bas, tout en alternant avec de prompts mouvements demi-circulaires, jusqu’à ce qu’il entende un craquement lugubre : c’était la luxation de la première vertèbre. Le voleur cessa de se tortiller et expira.
    Le bourreau entreprit de couper la corde pendant que le bayle grimpait sur une escabelle pour recueillir le corps. Il alla le déposer dans la charrette. Louis se raccrocha à l’échelle et redescendit avec l’intention d’aller porter sans tarder le condamné au gibet, puisqu’il ne possédait sur lui aucun objet de valeur digne d’être conservé. Pour cette fois, ses gages allaient devoir suffire à l’exécuteur.
    Mais il fut assailli par quantité de gens qui se bousculaient et lui tendaient des pièces, réclamant des bouts de chemise ou de corde pour s’en faire des amulettes. Le condamné ayant expié par la souffrance, sa rédemption était désormais assurée et tout ce qui lui avait appartenu revêtait le caractère sacré de reliques. Ce fut ainsi que Louis fit la découverte d’une source de revenus non négligeable.
    — Bon, d’accord. Venez un peu par ici, dit-il en retirant sa cagoule et en grimpant dans la charrette.
    Il fut très rapidement entouré de clients avides, malgré la crainte relative qu’il suscitait. Il s’accroupit aux côtés du

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