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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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l’a condamné, dit-il.
    — Sans doute que non. Mais dites-vous bien que son règne ne durera guère davantage que celui du Valois. Il est rare que les favoris survivent longtemps à leurs bienfaiteurs.
    Le courrier reprit quelque assurance et ajouta, d’une voix basse qui n’augurait rien de bon :
    — Faites bien attention, Baillehache : il en va d’un roi comme d’un gouverneur. Fricamp serait fort peiné d’avoir à se défaire de l’un des siens…
    — Qu’est-ce à dire ? Je ne vous entends pas.
    — Il est fort déplorable que tant d’exécuteurs soient conspués, voire occis dans des rixes, n’est-ce pas ? Ce genre d’accident arrive si promptement lorsqu’on exerce un métier tel que le vôtre.
    — Cessez vos menaces.
    — Je vois que vous m’avez compris. Vous en savez trop, désormais, Baillehache. Je suis désolé. Si vous persistez dans votre refus, j’ai ordre de vous faire disparaître.
    Avant qu’il ait pu comprendre ce qui lui arrivait, le messager se retrouva épinglé au mur en bois chaulé par son col de fourrure. Le manche d’une dague vibrait près de son oreille. Louis dégaina son épée et en tint la pointe entre les côtes de l’homme.
    — Jetez votre arme, messire.
    — Mais qu’est cela ? Vous avez perdu l’esprit !
    — Obéissez.
    La fine lame de Tolède tomba sur le plancher entre eux. Louis éloigna l’arme d’un coup de pied.
    — Maintenant, nous pouvons discuter convenablement.
    — Quel présomptueux vous faites, bourrel ! Vous croyez-vous donc indispensable au point que le gouverneur daigne vous épargner sa justice si vous me supprimez, moi, un membre de sa garde personnelle ?
    Louis s’approcha, l’épée de biais devant sa poitrine, prête à trancher si nécessaire, et frappa l’homme au visage du revers de sa main calleuse. Il récupéra sa dague et en tint la lame sous le menton du messager.
    — Silence. Les représailles que me vaudrait votre mort sont le moindre de mes soucis. Sachez qu’en cet instant votre vie ne vaut guère plus que la mienne et vous n’êtes plus en position pour revendiquer quoi que ce soit. Moi, si.
    Les yeux de Louis le transpercèrent comme s’il n’était plus là, comme s’il parvenait déjà à voir sous la peau une masse d’organes déshumanisés.
    — Que voulez-vous ? demanda l’émissaire à demi assommé dont la superbe s’était considérablement tempérée.
    Il avait entendu dire que rien n’arrêtait cet exécuteur dans son travail de destruction une fois qu’il était lancé : ni appât du gain, ni ambition personnelle, ni plaisirs d’alcôve.
    — Écoutez-moi bien. J’accepte d’y aller. Mais à une condition.
    — Laquelle ?
    — Ma fonction m’interdit de quitter la ville sans permission écrite du gouverneur ou du bayle.
    — Je sais.
    — Eh bien, voici : je veux qu’on me délivre les sauf-conduits nécessaires pour que je puisse me rendre à Paris et y demeurer quelque temps.
    — Bien, je ferai part de vos exigences au gouverneur. Paris, dites-vous ? Qu’avez-vous donc à y faire ?
    — J’ai encore de la parentèle là-bas.
    S’il n’avait pas été aussi humilié par cette altercation avec un manant, l’émissaire aurait éclaté de rire. Voilà que l’issue de la mission se trouvait brusquement assurée en échange d’une simple visite de famille ! C’était une véritable aubaine.
    Une fois relâché, l’élégant courrier à cheval quitta la maison du bourreau le sourire aux lèvres, en dépit de sa joue meurtrie.
    *
    Laigle, 6 janvier 1354
    Un vent chargé d’humidité hivernale rabattit la fumée vers le toit de l’auberge d’où elle sortait comme une étoffe appesantie par la lessive. Il en traînait des fragments déchiquetés jusque dans la cour tachée de neige sale, où ils se mêlaient à des restes de brouillard oubliés là par le matin. Aucune volaille n’y picorait.
    Philippe d’Évreux ne se laissait pas influencer par cette température maussade. Au contraire, le frère du roi de Navarre avait affiché une mine radieuse tandis qu’il menait, à cheval, une petite troupe prêtée par son frère à travers bois et champs jusqu’à une route transie. À présent ces hommes sortaient d’un bosquet d’où ils avaient pu observer le gîte qui somnolait encore. Le prince dit à son voisin, un chevalier de noble lignée :
    — Il faut vraiment être d’une insondable inconscience pour s’isoler en un tel lieu. Voilà

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